Aujourd’hui bien oubliées en dehors des pays germaniques, les opérettes de Leo Fall (1873-1825) ont pourtant eu un énorme succès au début du XXe siècle. Avec plus d’une vingtaine d’ouvrages à son actif, Leo Fall n’est plus guère connu que pour Der fidele Bauer (d’ailleurs édité lui aussi par CPO il y a quatre ans), Die Dollarprizessin, ou encore Die Rose von Stambul (dont Naxos vient de faire paraître un enregistrement en… anglais !). On a même du mal à s’imaginer que Der liebe Augustin ait connu plus de 3000 représentations depuis sa création, en 1912. Avec Madame Pompadour (1922), courte pochade inspirée des aventures amoureuses de la favorite de Louis XV autant que de son bon goût (on y trouve en effet quelques caméos savoureux, comme cette apparition du peintre Boucher, ou celle de Tourelle, de la manufacture de Sèvres) et de son esprit vif (elle retourne chaque fois les situations les plus compromettantes avec virtuosité), Fall navigue – musicalement parlant – entre quelques (rares) audaces harmoniques dignes de son contemporain Richard Strauss, de brèves allusions à des ouvrages connus du public (par exemple, une citation textuelle de Carmen lors du petit duo Pompadour-Calicot…), et une veine mélodique indéniable. Mais ici, c’est surtout l’efficacité dramatique qui l’emporte, avec une vis comica qui fonctionne à merveille.
CPO nous en propose ici une captation live, effectuée à l’occasion d’une nouvelle production de l’œuvre par la Volksoper de Vienne. Comme toujours, on ne peut que saluer l’initiative intéressante de cette institution qui prouve chaque saison son goût pour les ouvrages injustement délaissés. Le cast réuni pour l’occasion, sans éblouir jamais, rend pourtant bien justice à l’œuvre. Il allie stars du passé (Heinz Zednik dans le minuscule rôle de Louis XV !), étoiles d’aujourd’hui (Annette Dasch, qui semble plus à l’aise en Marquise de Pompadour qu’elle n’a pu l’être dans certains emplois dramatiques) et de jeunes artistes dignes des meilleures troupes. Elvira Soukop, par exemple, qui campe avec tendresse et drôlerie le petit rôle de Madeleine, ou Boris Pfeiffer qui, même si la voix n’est pas intrinsèquement inoubliable, offre à son le personnage (Calicot) une caractérisation exemplaire. Même remarque pour le René de Mirko Roschkowski qui, sans avoir lui non plus le plus joli timbre qui soit, trouve le moyen de rendre vivant et presque attachant ce favori d’un soir… C’est toutefois l’orchestre de la Volksoper qui séduira assurément le plus l’auditeur : outre la beauté des timbres, la précision du jeu des instrumentistes, Andreas Schüller à la baguette sait doser ses effets, osant aller un peu trop loin (cette musique le demande) mais sans tomber dans l’outrance et le mauvais goût. Un bel hommage à l’esprit du XVIIIe siècle, en somme.
PS : on sait qu’il est presque impossible de faire tenir un livret dans les quelques pages d’une pochette de CD unique. Mais étant donné la rareté de l’œuvre, CPO pourrait imaginer de le mettre en ligne pour ses auditeurs…