Pour les plus jeunes, le nom de Géori Boué renvoie probablement à cet enregistrement de Véronique disponible dans la fameuse collection « Opérette » aux pochettes flashys, chez Sony Music. Dès lors, on l’associerait d’instinct à Mady Mesplé, autre Véronique de référence, chez EMI cette fois. La proximité de manière entre les deux cantatrices justifie d’ailleurs ce rapprochement : toutes deux sont issues de cette école du chant français, où même les rôles lourds paraissent légers et sans effort. Et si Géori Boué a été une Véronique de cœur, c’est toute l’étendue de son art – Mozart, Verdi, Puccini, comme Gounod et Massenet – que Malibran offre aux auditeurs par le biais de ce récital, véritable trésor tant les enregistrements de la célèbre cantatrice sont difficiles à trouver.
Faut-il décrire encore cette voix reconnaissable entre toutes ? Faut-il rappeler cette syllabe « ou » qu’elle rend si suave, aigrelette presque, qui est comme une signature ? On découvre la cantatrice – ou la redécouvre -, au gré du répertoire, chanter Desdémone ou Cherubino, Marguerite ou Mimi, sans qu’à aucun moment, il n’y ait la moindre tentative de tricher, de fabriquer. C’est toujours sa voix dans sa plénitude, et son art consommé du chant, du legato : une constance aristocratique indépendante du répertoire, mêlée à un sens du drame bouleversant. Géori Boué fait sien chaque rôle, lui donne des accents qui nous semblent nouveaux. Au point de nous rendre magnifiques les traductions françaises des airs italiens, tant ce chant, dans sa simplicité apparente, est une manière d’absolu.
Le disque propose, outre ces enregistrements réalisés entre 1942 et 1949, quelques Massenet, Berlioz et Bizet de 1957. Il est alors fascinant d’entendre l’évolution d’une voix qui a mûri, a gagné en ampleur, sans rien perdre de ses qualités. Encore une leçon, en ces temps où les étoiles meurent aussi vite qu’elles naissent. L’autre belle surprise, ce sont les deux interviews de 2011 incluses entre les pistes. Enregistrées dans un environnement amical, elles s’insèrent à l’avenant, et même si l’on aurait pu souhaiter en général un peu plus de soin (le livret du disque aurait mérité une relecture), elles transforment l’écoute : il s’agit de deux questions presque « anodines » sur des souvenirs de détail, qui nous révèlent le général .Comme si nous-mêmes avions le bonheur de côtoyer, un après-midi, la chanteuse… En toute simplicité.