Des 77 grands motets que nous laisse Michel-Richard de La Lande, l’enregistrement retient l’un des plus célèbres, l’ultime Te Deum (1684, puis révisé jusque après 1720) et deux du début de sa carrière (1681 et 1683), qui sont autant de découvertes.
Le premier grand motet, Deitatis majestatem met en parallèle la majesté de Dieu et la puissance du souverain. En huit parties, toutes les formes d’expression sont mises au service d’une plénitude rare, de la gravité rayonnante à la douceur du verset « O caro Christi vera ». Les voix, les instruments, tout concourt au bonheur de l’auditeur. Le deuxième Ecce nunc benedicite, écrit dès 1681, d’une invention aussi renouvelée, dès sa sinfonie d’ouverture, recèle autant de beautés. « In noctibus extollite », nocturne recueilli, à l’émotion contenue, avec le dialogue soprano et ténor (Emmanuelle de Negri et Cyril Auvity), est admirable. La ductilité des phrasés confère une réelle dynamique aux passages les plus méditatifs : toujours la musique avance et captive notre attention.
Le célèbre Te Deum (S.32), dont la version de William Christie, de 1990, semblait inégalée, a trouvé ici une référence qui fera date. Le premier se fondait sur la version première (1684), Vincent Dumestre choisit l’ultime (postérieure à 1720). Les deux sont complémentaires et permettent de mesurer le chemin parcouru par le compositeur entre ces deux dates. La durée du présent enregistrement est amplifiée de la moitié, pratiquement un quart d’heure. Non point que les tempi diffèrent beaucoup (le minutage d’origine figurant sur les partitions permet de déterminer le mouvement), mais surtout par l’apport de plusieurs numéros et l’enrichissement d’autres. Dans les deux versions, les moyens mobilisés sont considérables, cinq solistes, deux chœurs (un petit à 3, un grand à 5 parties), un orchestre fourni, avec les trompettes, bassons, hautbois et flûtes par deux (chez Dumestre), cordes et basse continue. La sinfonia d’ouverture donne le ton : énergique, festive, d’une élégance suprême, où la danse est toujours en filigrane. Les solistes s’y révèlent d’égale qualité, exceptionnelle, tous familiers de ce répertoire, rompus aux subtilités de l’ornementation. Vincent Dumestre conduit l’ensemble avec vigueur et sensibilité : cette musique l’habite. Les phrasés sont dynamiques, les dialogues soli – chœur sont autant de réussites. La palette est large, de la gravité recueillie du « Tu ad liberandum » à la joie exubérante et fastueuse du célèbre chœur conclusif. Une parfaite réussite, servie par une prise de son homogène et claire, dans le cadre idéal de la Chapelle royale, qui avait vu résonner ces musiques il y a plus de trois siècles.
Un programme riche et généreux, illustré par un livret d’accompagnement trilingue (français, anglais, allemand), particulièrement soigné, comme ceux de ce label, qui répond à toutes les attentes. Les textes chantés, latins, sont traduits en français et en anglais.