Maria Callas est née à New York il y aura un siècle le 2 décembre prochain. L’anniversaire est de ceux que l’on ne peut laisser passer. Une voix unique, une carrière fulgurante, un destin tragique ont hissé la femme au rang de mythe. Existe-t-il encore un de ses enregistrements, officiel ou pirate, qui n’ait pas encore été commercialisé, réédité, remastérisé ? Tout n’a-t-il pas été dit sur sa vie, sa personnalité, son art ? A défaut, la légende s’est empressée de venir au secours de l’histoire chaque fois qu’une zone d’ombre biographique persistait ou que les témoignages se contredisaient. Callas forever – ainsi Franco Zeffirelli titrait le film qu’il lui consacrait en 2002.
Agrégé de lettres classiques, ancien directeur de l’administration artistique de plusieurs grandes institutions lyriques, auteur de plusieurs ouvrages en lien avec la musique, biographe de Rachmaninov et Horowitz, et accessoirement membre du comité de rédaction de Forum Opéra, Jean-Jacques Groleau entreprend à son tour de raconter la diva assoluta. Offrir en deux cent pages dans un style alerte le récit complet de sa vie et de son œuvre n’est pas le moindre des mérites de cette nouvelle biographie.
Une de plus, au sein d’une bibliographie généreuse ? Non. La synthèse plutôt de tout ce qui a pu déjà être écrit avec chaque fois que nécessaire le rétablissement d’une vérité souvent déformée. L’enfance et les années de formation, essentielles pour comprendre la construction de l’artiste, sont plus particulièrement scrutées d’une plume qui sait raison garder au milieu des innombrables allégations dont a pu faire l’objet celle que l’on ne surnommait pas encore « la Divine ».
Autre atout non négligeable, l’expertise et l’objectivité du regard porté tout au long du récit sur une discographie abondante dont il convient de séparer le très bon du moins bon, le médiocre n’étant que rarement de mise tant Callas, quel que soit son état de santé vocal, a sculpté dans un marbre unique chacune de ses interprétations. Mais la soprano, grecque par amour, a beaucoup enregistré, à un rythme haletant avec un résultat plus ou moins satisfaisant selon les circonstances. Loin de succomber à la tentation hagiographique, Jean-Jacques Groleau opère une nécessaire mise au point.
Ultime gage de satisfaction, l’ombre tutélaire d’André Tubeuf accompagne le propos, en préface de l’ouvrage à travers un portrait édité à l’origine dans L’Offrande Musicale (Robert Laffont, 2007), ainsi qu’en postface. Là, l’extrait d’un texte daté de 1998 constate que Callas nous obligés à écouter autrement « à force d’exactitude et d’intensité ». Cet œil qu’elle a mis dans notre oreille est, selon Jean-Jacques Groleau, son legs « le plus précieux ». Comment ne pas souscrire.