Organisateur de concerts, agent et souvent ami de musiciens parmi les plus célèbres, vice-président du département Artists & Repertoire chez Deutsche Grammophon de 1999 à 2003, fondateur du Festival de Verbier en 1994, uni lors d’un premier mariage à Barbara Hendricks, Martin Engstroem a engrangé une somme de souvenirs réunis aujourd’hui en un livre d’entretiens, une forme préférable au satisfecit auquel se prête volontiers l’autobiographie. Bertrand Dermoncourt conduit la discussion selon des chemins que l’on imagine strictement balisés tant le propos s’arrime à la chronologie sans omettre le moindre épisode d’un parcours dont Martin Engstroem a tout lieu d’être fier.
Défilent depuis les coulisses les plus belles images d’« une vie pour la musique », de l’enfance et des années de formation – trop – longuement racontées, jusqu’à ce défi de l’impossible que représente le Festival de Verbier, un rendez-vous musical au sommet dans tous les sens du terme. « D’une certaine manière toute ma vie a convergé vers cette idée du Verbier Festival », confie Martin Engstroem.
Bien que le propos dépasse le cadre strict de l’opéra, bon nombre de chanteurs s’invitent dans la conversation, prétextes à quelques anecdotes parfois savoureuses. Afin de mettre l’eau à la bouche du futur lecteur sans sacrifier à ce que les Québécois appellent le divulgâchage (« spoiling » dans une langue de Molière de plus en plus assujettie à celle de Shakespeare), évoquons Renato Bruson refusant de chanter avec Carlos Kleiber pour une raison à découvrir page 87.
Ce dernier, aux côtés de Dietrich Fischer-Dieskau, James Levine, Martha Argerich et Mstislav Rostropovich, fait partie des amis chers et célèbres pour lesquels un chapitre entier interrompt le cours du récit.
« A mes quatre enfants, pour répondre aux questions qu’ils ne m’ont jamais posées », écrit en exergue Martin Engstroem. Rarement dédicace n’a semblé refléter aussi bien l’intention première de son auteur tant le témoignage laisse transparaître à plusieurs reprises le regret de n’avoir pu être un père aussi présent que souhaité. A eux, autant qu’au mélomane curieux, se destine un livre dont la publication coïncide avec les 70 ans de Martin Engstroem et les presque 30 ans du Festival de Verbier. Ce double anniversaire vaut bien un ouvrage, sans doute.