Même si ce titre a disparu des mémoires, Au soleil du Mexique fut un des grands succès de Maurice Yvain, bien après les réussites des années 1920 comme Là-Haut ou Pas sur la bouche (qu’avait adapté au cinéma le regretté Alain Resnais). Montée au Châtelet par Maurice Lehmann avec un luxe de décors et de costumes (l’œuvre était mise en avant comme une « opérette à grand spectacle en deux actes et seize tableaux »), cette opérette connut quelque trois cents représentations. A la création, les rôles principaux étaient tenus par des stars de l’époque : le baryton André Baugé, le comique troupier Bach et pour les dames, deux spécialistes du répertoire léger, Fanély Revoil et Danielle Brégis. Alors que la décennie précédente avait vu l’intégration des formes inspirées par le jazz et les années folles, l’opérette des années 1930 lorgne ouvertement vers l’exotisme. Et si vous pensiez que Francis Lopez fut le premier à introduire dans cet univers chanteurs de Mexico et belles de Cadix, Au soleil du Mexique va vous obliger à revoir vos idées préconçues. Rumbas et autres rythmes sud-américains sont légion dans cette opérette d’avant-guerre, même si la valse y garde tous ses droits. Bien sûr, le livret n’est pas un chef d’œuvre dramatique, bien sûr, il fleure bon le racisme colonialiste, avec le personnage de la servante noire Kokolani, équivalent de la Bédélia de Toi c’est moi de Moyses Simons, créé un an auparavant avec des lyrics du même Albert Willemetz. Mais il y a heureusement la figure comique de Jérôme Frascator, acteur marseillais qui pratique à l’écran cette tauromachie qui est au cœur de l’action, le héros étant Niňo Chicuelo le torero (depuis Carmen, les Français avaient appris à ne plus parler de « toréadors »). Et on se dit que si Maurice Lehmann voulut recréer en 1952 Les Indes galantes, c’est parce qu’il savait y retrouver certains des ingrédients de son succès de la saison 1935-36 : éruption volcanique et tremblement de terre, danses exotiques et figuration abondante.
Vingt ans après sa création, la Radiodiffusion française redonnait pour un soir sa chance à l’œuvre de Maurice Yvain, sous la baguette d’un spécialiste de l’opérette, Jules Gressier, auquel on doit tant d’enregistrements d’œuvres bien oubliées. Et pour la distribution, on n’avait pas lésiné, puisque c’est Janine Micheau en personne qui était non l’héroïne, mais la seconda donna, la riche Américaine miss Jessie Thomson. On découvre au passage que la soprano pouvait être bonne actrice, et sa présence se justifie amplement par les beaux aigus qu’exige d’elle la partition. Christiane Jacquin (qui donne la réplique à Teresa Stich-Randall dans une Veuve joyeuse enregistrée à la même époque par l’orchestre lyrique de la RTF) a une voix plus centrale et remplit très correctement son rôle. Prématurément disparu en 1965, le baryton Willy Clément chantait alors tout le répertoire d’opéra-comique et surtout d’opérette, comme son contemporain Marcel Merkès. Quant à Maurice Porterat, il est très bien en Provençal ridicule, bien que natif de Saint-Maur-des-Fossés, et assure fort dignement la succession de l’humoriste Bach, notamment dans le duo qu’il chante en voix de fausset avec le héros lorsqu’ils sont tous deux déguisés en religieuses.