S’il fallait chercher à ce disque une raison d’exister, elle serait bien facile à trouver : notre meilleure mozartienne à l’heure actuelle, Sandrine Piau, avait bien mérité cette occasion supplémentaire : après deux disques d’airs d’opéra chez Naïve, après sa participation à la Messe en Ut dirigée par Emmanuel Krivine sous le même label, sans oublier un DVD d’airs sacrés dirigés par Christophe Rousset, la soprano n’a guère été conviée à participer qu’à des intégrales d’œuvres de jeunesse, comme Ascanio in Alba, Zaïde ou surtout Mitridate. Laurence Equilbey l’avait sollicitée pour un Requiem paru en 2014, et la revoici avec la même équipe dans d’autres musiques relevant de la même inspiration. Sandrine Piau, donc, trouve à nouveau ici un de ses meilleurs terrains d’élection, et l’on écoutera très dévotement l’ « Agnus dei » de la Messe du couronnement ou dans le « Laudate Dominum » des Vêpres. La soprano frontière peut affronter sans frémir la concurrence de Kiri Te Kanawa ou de Barbara Bonney, pour ne citer que deux de ses plus illustres devancières. La voix parvient à être à la fois légère et majestueuse, aérienne et fruitée, avec une distinction qui est celle des grandes héroïnes et non des soubrettes qui s’y égarent parfois.
Il fut un temps, d’ailleurs, où le nom de la soprano aurait figuré en tête d’affiche pour un tel programme. Justifié par la chronologie mozartienne (les deux œuvres datent de 1779), le couplage Messe du Couronnement/Vêpres d’un confesseur ne date pas d’hier, et il a déjà été proposé par plusieurs labels avec différents chefs baroqueux (Harnoncourt chez Warner, Marriner chez Decca, Frans Brüggen chez Phillips…). Au CD, le minutage paraît un peu chiche, car 50 minutes, c’est peu pour un support qui en permet près de 80, d’où l’adjonction parfois d’autres pièces sacrées de Mozart, Ave verum corpus et/ou Exsultate, jubilate, notamment.
Le Requiem susmentionné était le premier disque d’Insula Orchestra. L’accueil n’avait alors pas été totalement enthousiaste, d’autant plus que le défi était de taille. Cette fois, les attentes sont moindres, et l’on ne demande pas à une Messe du couronnement de nécessairement bouleverser notre conception de la musique de Mozart. Sous la baguette de Laurence Equilbey, ces deux œuvres avancent à un rythme soutenu, avec l’énergie souhaitable. Les trois autres solistes s’acquittent très honorablement de leur tâche (on déplore seulement un Amen un peu nasal de la part du ténor, à la fin du Gloria de la messe). Le chœur accentus possède les couleurs adéquates, même s’il paraît parfois un peu lointain, ou insuffisamment net dans l’acoustique de la cathédrale de Saint-Omer.