Capté en mai 2017 à Munich, ce Requiem de Mozart est probablement l’ultime témoignage enregistré par Mariss Jansons en matière de musique sacrée. Le chef letton nous quittait en novembre 2019, laissant dans le cœur des mélomanes et de tous ceux qui l’ont approché un vide immense. Jansons pressentait-il sa fin ? Avait-il conscience de laisser ici ses derniers mots en matière de spiritualité ? Nul ne le saura sans doute jamais. Ce qui est certain, par contre, c’est que le disque gravé ici prend la tête de la discographie du Requiem de Mozart, qui n’est pas précisément pauvre, et que sa parution post mortem est un événement.
Nous pourrions commencer notre critique par la méthode classique, en énumérant les qualités qui ont emporté notre suffrage : l’orchestre en lévitation dès les premières mesures, à la fois murmurées et terriblement présentes, le son des cors de basset rendu avec une carnation inouïe, la pulsation cursive de Jansons, qui congédie tout pathos au profit d’une lumière rassérénante, les mille nuances d’un Chœur de la radio bavaroise à son plus absolu sommet, la cohésion exemplaire de tous les pupitres. Nous enchaînerions sur les mérites respectifs des solistes : la tendresse déversée à longs flots par Genia Kühmeier, le refus de la mort qui se cache dans le chant entêté de volupté d’Elisabeth Kulman, le dramatisme obtenu par des moyens très simples chez Mark Padmore, l’intensité que met Adam Plachetka dans chacune de ses interventions (le «Tuba mirum» !), et soulignerions la cohésion que ce quatuor parviendrait à garder malgré ses fortes individualités. On louerait la prise de son, aérée et réaliste. Tout cela serait bel et bon, en plus d’être terriblement juste.
Et pourtant, ces commentaires manqueraient leur but. Comme le bavardage d’un guide de musée face à une toile de Monet, ceci serait une barrière dressée entre l’auditeur et l’évidence. L’évidence d’une interprétation qui parvient à un naturel si absolu qu’on en oublie tout le reste (y compris les cent et quelques autres versions dudit Requiem entendues au disque), et que la seule pensée cohérente qu’on parvienne à articuler au milieu de l’émotion qui nous submerge est la suivante : « c’est exactement comme cela que l’œuvre doit sonner ». Merci Maestro, et bonne route ! Si le ciel existe, ses portes vous furent largement ouvertes dès les dernières mesures de ce concert.