Livre ou disque ? Un peu des deux et un peu seulement. La collection milanaise « La Scala Memories » démarre une série consacrée à Maria Callas et à ses interprétations entrées dans l’histoire. On ignore les choix qui seront retenus pour la suite de la série et il y a de quoi faire : on sait les liens très étroits qui ont uni Maria Callas (quasi anagramme de la Scala, plus seyant sans doute que Kalogeropoulos) et le théâtre milanais entre octobre 1950 (Aïda en remplacement de Tebaldi) et ses adieux le 3 juin 1962, en Medea. Pour ce premier volume, le choix de l’éditeur s’est porté sur le bel canto et trois compositeurs : Rossini, Bellini et Donizetti.
L’objet est de qualité, bien relié et accompagné de nombreuses photos piochées dans les archives d’Erio Piccagliani, photographe de la Scala à la grande époque. Certaines valent le détour, comme la série prise dans les coulisses du Barbier de 1952 (Gobbi, Rossi-Lemeni…) ou celle qui, à la fin de Anna Bolena en 1957, dérobe un échange de regards peu chaleureux entre Gianandrea Gavazzeni – auteur de méchantes coupes – et la Divine. Pour tout dire, ces photos sont le seul réel motif susceptible de motiver un acquéreur pour cet opuscule.
Le texte de présentation, en effet, aurait pu, surtout pour ce premier volume, mettre en perspective les liens de Callas et de la Scala, à une période charnière de sa carrière. Il se concentre plutôt sur l’apport artistique de l’artiste à la redécouverte du belcanto, notamment rossinien. Révolution ? Plutôt restauration tant la maîtrise technique et les particularités vocales de Callas ont permis de programmer à nouveau certaines œuvres en redécouvrant leurs beautés oubliées. Eduquée aux principes d’Elvira de Hidalgo et de Rosa Ponselle, Callas a, le texte a raison de le souligner, marqué l’histoire du chant d’une pierre blanche et tout ce qui a été suivi, dans le domaine du belcanto notamment, n’aurait pas été possible sans elle. En tout cas, pas de la même manière.
Côté CD, quatorze brefs extraits d’opéras belcantistes sont proposés (Norma, Barbiere, Lucia, Bolena, Turco, Puritani et Sonnambula) dans des versions enregistrées à la Scala… ou proches des originaux scaligères (Lucia, dirigé par Karajan avec Di Stefano vient d’un live berlinois de 1955), avec une qualité sonore variable. On aurait pu y ajouter Medea (1961 et 1962), Poliuto (1960) ou La Vestale (1954).
Surtout, le texte – en italien, en anglais et en allemand seulement – est frustrant par son caractère inabouti. D’un document de ce genre, qui ne présente d’intérêt que si l’on peut s’y référer lorsque l’on cherche à vérifier telle ou telle donnée, on attendrait au moins la liste des représentations auxquelles Callas a pris part, avec les dates et les distributions. La démarche, quoique sympathique grâce aux photos, est malheureusement bien superficielle. Pour 19,90 euros, on acquerra plutôt une série d’intégrales dans lesquelles la Callas s’est illustrée… ou le « Scènes de la folie et bel canto arias » sorti en 1959 chez EMI.