Il avait intitulé Anamorfosi (Allegri, le miserere revisité) le CD sorti il y a peu. Peu après sortait sous le titre Nova metamorfosi, un livret – première publication des Editions Harmoniques – puisque le Poème Harmonique a décidé de s’investir également dans le média papier. De fait son contenu correspondait à celui d’un enregistrement vieux de bientôt 20 ans, que doit chérir Vincent Dumestre, fidèle au début du XVIIe siècle. Il poursuit ainsi son fructueux cheminement dans la musique sacrée donnée alors à Milan, Claudio Monteverdi et Vincenzo Ruffo y étant magistralement associés.
Il paraît pertinent de souligner que cette initiative renoue, elle aussi, avec le passé. Les débuts du microsillon, alors produit de luxe, s’accompagnèrent de formules éditoriales extrêmement variées, destinées à séduire l’acheteur, mais aussi à l’inviter à approfondir ses connaissances musicales. Ainsi certaines collections comportaient-elles, encartées dans la pochette, la partition (souvent en papier bible) des œuvres inscrites au programme. Cette pratique favorisa le développement des éditions de poche (de Heugel, tout particulièrement), non seulement en France, mais dans toute l’Europe. Depuis l’intégrale vinyle des cantates de Bach par l’équipe Harnoncourt – Leonhardt, où chaque album était accompagné des partitions correspondantes (Bärenreiter), cet usage semble avoir été abandonné, ce qui est bien regrettable.
Avec le souci de prolonger, ou de compléter, le plaisir auditif que ne manquera pas de procurer le CD éponyme, Vincent Dumestre a conçu un cahier à l’italienne, au format des parties vocales de la Renaissance et du Baroque, qui n’est pas un fac-simile. C’est l’objet du présent article. Avant même d’en découvrir la richesse, on est confondu par son emballage : un délicat papier de soie, plié harmonieusement, cacheté de cire rouge, le motif du sceau étant repris sous forme de timbre sec sur la page de garde. Le fil (rouge aussi) qui assemble le cahier, le papier marbré de la couverture (repris d’un modèle de 1640), celui destiné à l’impression, l’étiquette, la typographie, la calligraphie, tout séduit et atteste, outre le goût très sûr du concepteur, sa familiarité aux éditions anciennes.
L’objet du livret conçu par Vincent Dumestre est précisé dans son avertissement, savoureux pastiche, en alexandrins, avec un envoi à l’ « AMI LECTEVR » . En 22 vers, il est précisé « point de critique ou commentaire / N’y trouveras, ni note ni source pour te faire / Accroire qu’une vérité se tient icy : D’aucuns hommes d’honneur en firent leur soucy / et tu pourras te référer à leurs ouvrages / Pour moi suffit que ces œuvres, leur déchiffrage (…) /Servent à eux tout seuls ton souverain plaisir. » [ndlr : faute de « s » à l’ancienne, on a substitué une typographie moderne]. Ainsi, de Monteverdi sont reproduits intégralement trois motets d’origine madrigalesque, des contrafacta (O gloriose martyr, O stellae coruscantes, O Jesu mea vita), suivis d’un Confitemini Domino en faux-bourdon, d’un auteur anonyme contemporain. Un bandeau original introduit les trois premières pièces. Une séduisante calligraphie, imitée des manuscrits de l’époque, avec ses lettrines, nous vaut un constant bonheur esthétique. Non seulement les bibliophiles se régaleront, mais surtout les passionnés de musique baroque. Cette surprenante et originale initiative appelle une suite, qui ne dépend que de vous.
« …gardons l’espérance / que ces écrits seront des délices pareilles / pour tes yeux, mon Ami, comme pour tes oreilles. » lisait-on dans l’avertissement versifié au lecteur. Le contrat est rempli. On pourrait ajouter, pour rester dans le ton : « Ami, si ce cahier a le don de te plaire / il suffit : ce bonheur me tient lieu de salaire ».