Nombreux sont les livres qui proposent de parcourir l’Opéra Garnier, en long, en large et en travers. Le bâtiment, édifié à la demande de Napoléon III afin de se prémunir contre les risques d’attentat, est considéré aujourd’hui comme un des plus beaux théâtres lyriques au monde – le plus beau, oserions nous dire si nous ne craignions d’être taxé de chauvinisme. Du concours d’architecture qui voit en 1860 Charles Garnier emporter la compétition à l’ouverture de l’Opéra Restaurant, un siècle et demi après, l’histoire est connue. Aurélien Poidevin nous la rappelle dans un nouvel ouvrage proposé par Les Editions de La Martinière, le cinquième de la collection « Cube » (après Louvre, Orsay, Versailles, Musée du quai Branly et Musée Hergé). Ce jeune professeur agrégé d’histoire et auteur de La scène lyrique autour de 1900, sait ne pas céder à un lyrisme qui dans le cas présent, serait pléonastique. Les textes qui ponctuent les 448 pages du volume, cubique – 21 cm x 21 cm – comme le nom de la collection l’indique, sont circonstanciés. Etait-il utile d’adjoindre aux trois premiers chapitres – « Le nouvel Opéra de Paris » ; « Le temple de l’art lyrique » ; « Le rituel de la sortie au spectacle » –, un quatrième – « Le palais Garnier de 1875 à nos jours » –, balayant l’histoire de l’institution, qui nécessiterait à lui seul un – voire plusieurs – ouvrages ? Survoler en 11 feuilles, 18 images et moins de 1500 mots, 150 ans de créations et de représentations est inévitablement frustrant.
© Jean-Pierre Delagarde
N’aurait-il pas fallu utiliser ces pages pour proposer encore plus de photos ? Le livre en contient déjà près de 300, signées pour l’essentiel par Jean-Pierre Delagarde. C’est beaucoup et c’est à peine assez, tant le photographe est doué, tant son regard est intelligent et tant l’édifice est magnifique. La salle, les toits, les plafonds, les cheminées, les fauteuils, les balcons, les peintures, les sculptures, l’escalier dont Garnier disait « L’Opéra, c’est l’escalier, comme les Invalides, c’est le dôme ! », les perspectives, les marbres, les torchères, les rotondes, les foyers, vus d’en haut, d’en bas, de loin, de près… Tout est objet d’émerveillement. Deux cahiers noirs et blancs, à l’origine du projet, complètent la visite. Un tutu suspendu dans le central costumes semble une fleur posée sur l’eau. L’armoire de la coiffure aligne les cranes et les masques comme des ossements dans les catacombes. La fenêtre d’un des studios de danse est un œil ouvert sur Paris. Devenu poète, le photographe réussit l’exploit de s’élever à la hauteur – monumentale – de son sujet.