Vivaldi auteur de musique sacrée : la bataille était déjà en cours lorsque démarra un autre combat, autour de Vivaldi compositeur d’opéras. Sur ce plan-là, c’est gagné, ou presque. Ses œuvres lyriques sont enregistrées, les théâtres commencent à les programmer (même si Juditha Triumphans continue à tenir le haut du pavé alors que ce n’est pas tout à fait un opéra). Reste donc un dernier domaine à explorer : les cantates, dont douze nous sont parvenues, certaines ayant été retrouvées il y a vingt ans à peine.
Initialement sorti en 2006 et réédité cette année, le disque paru chez Linn en propose trois, et ce choix ne doit rien au hasard, car elles possèdent un personnage récurrent, la fameuse Elvira. On croit savoir que plusieurs des textes mis en musique pour la cour de Mantoue sont en fait des « cantates à clef », où les noms de bergers d’Arcadie dissimulent le mécène de Vivaldi, le landgrave Philip de Hasse-Darmstadt, ou des membres de son entourage. On ignore en revanche à qui renvoient la belle inhumaine Elvira et son soupirant transi Fileno.
Peu importe, finalement, et seul compte le plaisir de la découverte. Est ainsi confirmée la capacité de Vivaldi à composer une musique dotée d’une vraie valeur dramatique. Sur ce plan, le Prêtre roux n’avait rien à envier à Haendel, qui écrivit ses cantates romaines une décennie auparavant, en s’inspirant des mêmes bergeries galantes.
Pour que ces œuvres puissent être appréciées à leur juste valeur, encore faut-il qu’elles trouvent les interprètes idoines. C’est d’Ecosse que vient Mhairi Lawson, soprano que l’on a notamment pu entendre au sein de l’équipe réunie par Paul Agnew pour chanter des madrigaux de Monteverdi. C’est justice que de nous permettre de l’écouter en tant que voix soliste, car elle possède les qualités nécessaires pour donner vie à ce répertoire. Le timbre est beau mais, surtout, il est expressif, il sait faire partager une émotion, et ne succombe jamais à la tentation du beau son. Comme Elvire est la destinataire de ces cantates, il appartient à la chanteuse de traduire les frissons, les doléances et les joies de Fileno, et c’est ce que Mhairi Lawson fait à merveille, sans excès, avec le juste équilibre entre retenue et épanchement.
Sa prestation est soutenue par le continuo que l’on entend également dans les trois sonates avec lesquelles alternent les cantates sur ce disque. Comme son nom ne l’indique pas, l’ensemble La Serenissima est une formation britannique, dirigée du violon par Adrian Chandler.
Les sonates en question ressortissent à un tout autre univers, bien qu’elles datent de la même période. Elles sont dépourvues de cette théâtralité passionnée qu’on admire dans les cantates. Pour deux d’entre elles, il a fallu reconstituer la basse, dont la partie est perdue, et c’est Adrian Chandler qui s’en est chargé. Peut-être aurait-il fallu pour les enflammer faire preuve de la même imagination que Mhairi Lawson en déploie dans son chant.