A la Belle Hélène, Meilhac et Halévy font dire au sujet de son époux : « Oui… bon et excellent homme ! … J’ai tout fait pour l’aimer… Je n’ai pas pu… je n’ai pas pu… ». Hélas, Sophie Bevan nous fait un peu penser à Ménélas : voilà une chanteuse qui est très appréciée dans son Angleterre natale, qui a amplement mérité sa part d’applaudissements dans le triomphe du Saul haendélien monté à Glydebourne, mais que ses disques ne permettent pas d’aimer autant qu’on le voudrait.
Certes, la soprano britannique possède une technique solide, elle maîtrise la virtuosité et le trille, et son chant expressif montre qu’elle prête attention au texte poétique italien qu’elle a à déclamer. Mais le timbre sonne opaque, l’aigu voilé, et en dehors des moments de rage et de désespoir, le ton paraît souvent un peu plaintif. Voilà une voix qui ne saurait convenir aux personnages de jeunes filles innocentes, et à laquelle les reines siéront sans doute mieux un jour. Dommage pour les oreilles qui n’entendent que cela, tant mieux pour celles qui perçoivent davantage.
D’autant que le programme de ce disque est fort intelligemment conçu, et très bien présenté dans le livret d’accompagnement. De Mozart, Sophie Bevan évite l’opéra et se rabat avec raison sur les airs de concert : quatre, dont quelques-uns des plus connus. Et une logique historique bien simple justifie l’élargissement à deux autres compositeurs. Le livret explique à chaque fois les circonstances de la composition de ces arie alternative, en s’attardant notamment sur l’interprète à qui elles étaient destinées. Josefa Dušek est le lien entre Mozart et Beethoven, puisque « Ah, perfido » fut écrit pour celle qui créa « Ah lo previdi » et « Bella mia fiamma ». Métastase fait aussi le lien entre les compositeurs, lui dont les vers servirent de support à tant d’œuvres lyriques ou de scènes isolées pour le concert. La présence de Haydn est donc tout aussi justifiée, et l’enchaînement des pièces se fait tout naturellement.
Autre bel atout de ce disque, l’orchestre The Mozartists, formation d’une trentaine d’instrumentistes qui donne le meilleur d’elle-même sous la direction incisive de Ian Page. également auteur des notes érudites du livret. L’écrin est donc magnifique, mais la perle qu’il contient peine à nous séduire. La réécoute récente, et à haute dose, de la voix de Gundula Janowitz y serait-elle pour quelque chose ?