Kapellmeister à la cour de Vienne, Johann Georg Reutter (1708-1772) eut notamment l’occasion d’auditionner et de recruter les deux jeunes frères Haydn en tant que petits choristes. C’est principalement dans la musique d’église qu’il trouva son domaine d’élection, mais comme tout compositeur de son siècle, il se devait de produire des opéras, et il a donc à son actif une quarantaine d’œuvres lyriques conçues au cours de trois décennies. Le premier, Archidamia, date de 1727, alors qu’il n’avait pas vingt ans : c’est une œuvre de circonstance pour la fête de l’épouse de l’empereur Charles VI ; en 1729, pour l’anniversaire de l’empereur lui-même, il composa La Magnanimità di Alessandro, « festa da camera ». Ces deux œuvres s’appuient sur des livrets de Pasquini, qui concoctera également le texte d’Alessandro Il Grande, toujours pour l’anniversaire de Charles VI, en 1732. Avant de partir pour l’Italie, Reutter livre encore un « dramma per musica », Alcide. A son retour de Venise et Rome, il renoue avec la composition d’oratorios, dont La Divina Provvidenza in Ismaele (1732) est un exemple. De 1734 date La Betulia liberata, « azione sacra » dont le texte, signé Métastase, nous est familier grâce à la version qu’en donnerait Mozart en 1771, parmi la trentaine de compositeurs qui s’y sont attaqués après Reutter. Toutes ces arias composées en moins de dix ans semblent quelque peu interchangeables, et il paraît peu probable que la production lyrique de Reutter fasse prochainement l’objet d’une réhabilitation qui la remettrait sur le devant de la scène.
La caractéristique la plus notable de ces airs est l’emploi quasi systématique du psaltérion, instrument dont deux virtuoses étaient alors présents à Vienne. Grâce à Maximilian Heilmann et Johann Baptist Gumpenhueber, le psaltérion fut à l’honneur pendant une trentaine d’années à la cour. On saluera donc la prestation d’Elisabeth Seitz qui brille dans tous les passages en solo offerts à cet instrument aux sonorités métalliques.
Ces musiques pas toujours franchement mémorables sont confiées à une interprète dont la qualité du timbre suscite d’emblée l’intérêt de l’auditeur. La mezzo néerlandaise Olivia Vermeulen se produit principalement en Allemagne (au Komische Oper de Berlin, elle a notamment incarné le personnage principal de Die rote Zora, « opéra familial » d’Elisabeth Naske, d’après le roman pour enfants et la série télévisée Zora la rousse), mais on l’a vue récemment à Lyon en alternance dans le rôle-titre de L’Enfant et les sortilèges, et elle sera Hänsel dans l’opéra de Humperdinck à Arras et à Reims en novembre prochain après l’avoir été fin août dans le cadre du Festival de Sédières. On goûte ici toute l’agilité dont elle est capable, pliant un timbre charnu à de gracieuses vocalises. Oliva Vermeulen est toujours soucieuse de beauté du son, mais peut-être aurait-il fallu qu’elle se risque à conférer une charge émotionnelle plus grande encore dans ces airs pour en mettre en relief les beautés (le texte ne l’aide guère, car leur rhétorique abstraite tourne souvent à la leçon de morale). On retiendra néanmoins l’extrait d’Alcide, « Soletto al mio caro », et l’impressionnant « Fra deserti e vaste arene », avec son accompagnement suggestif où l’ensemble Nuovo Aspetto fait preuve d’une belle expressivité.