Depuis le 20 septembre, la bibliothèque municipale de Versailles propose dans ses superbes locaux une exposition consacrée à Jean-Philippe Rameau. Cette présentation est tout à fait claire et manifeste un beau souci pédagogique : parcours suivant d’une salle à l’autre la carrière du compositeur, de son arrivée à Paris jusqu’à sa mort, et même au-delà avec une évocation de sa redécouverte, le tout illustré de nombreux documents, comme nous l’avions signalé dans notre brève. Le catalogue est en revanche conçu selon un principe tout à fait différent, même s’il s’ouvre sur une chronologie et sur une évocation de la vie de Rameau par Philippe Beaussant. On y trouve certes la liste complète des pièces exposées, dans l’ordre où elles sont visibles, mais seule une partie d’entre elles est reproduite, notamment les nombreux livres et partitions du XVIIIe siècle, pas toujours très photogéniques. On y trouve aussi une « Discographie sélective », dont on peine à comprendre selon quels principes elle a été établie : trois entrées pour Dardanus, par exemple, incluant la dernière version en date (Alpha 2013), mais pour Platée, seul l’enregistrement de 1956 avec Michel Sénéchal est mentionné ! Certes, ses responsables ont fait œuvre de pionniers, mais deux autres versions bien plus complètes lui ont succédé. Heureusement une « Filmographie sélective » remet un peu les choses en place, en incluant tous les DVD disponibles à l’heure où le catalogue fut imprimé (ce qui exclut nécessairement le tout récent Hippolyte et Aricie de Glyndebourne), mais on s’étonne quand même de certaines impasses : pour Zoroastre, le DVD Opus Arte est inclus, mais en CD, seules les suites d’orchestre dirigées par Franz Brüggen sont mentionnées.
Avant d’en arriver à ces annexes, le volume se divise en deux parties, « Rameau en 2014 » et « Rameau d’un siècle à l’autre ». La première se révèle un peu décevante, car les interprètes actuels du compositeur ne semblent pas très inspirés. Sabine Devieilhe a certes été encensée pour son récital au disque, « Le grand théâtre de l’amour », mais elle n’a guère interprété que la Folie de Platée en scène. Jean-Paul Fouchécourt a beaucoup chanté Rameau en scène, il l’a surtout beaucoup enregistré, mais lui non plus n’a pas de révélations palpitantes à nous faire. Quant à Bertrand Cuiller, il parle surtout de l’intégrale des pièces pour clavecin seul qu’il a enregistrée, à paraître ce mois-ci chez Mirare. Benoît Dratwicki, directeur artistique du CMBV, offre en revanche un bon tour d’horizon de la programmation de Rameau en 2014 et au cours des décennies précédentes.
Ce dernier article complète celui qui figure en deuxième partie, « La lente redécouverte de Rameau », dû à Patrick Florentin, de la Société Jean-Philippe Rameau. Les textes réunis dans ce second volet sont extrêmement divers, les uns très pointus (celui consacré à la présence de Rameau dans la presse de son temps, par exemple), les autres s’adressant davantage à un public éclairé mais ni universitaire ni musicologue. Il est beaucoup question des parodies d’opéra, phénomène qui ne concernait évidemment pas que Rameau. Finalement, c’est beaucoup par son iconographie que ce livre s’impose à l’attention : les reproductions sont nombreuses, fort belles, et d’époques variées, comme cette couverture de cahier d’écolier de la fin du XIXe siècle, ornée d’un portrait en pied de Rameau dirigeant un orchestre, numéro 1 de la série « Artistes, savants, patriotes »… On admire aussi un costume conçu en 1964 par Pierre Clayette pour une Furie, costume qui nous apprend que pour le bicentenaire de la mort de Rameau, on donna à l’Opéra-Comique des représentations de Zoroastre, mises en scène par Henri Doublier. Après enquête, il apparaît qu’on put y entendre des chanteurs comme Eric Tappy et Christiane Eda-Pierre dans les rôles principaux, sous la baguette de Manuel Rosenthal. Serait-ce le chaînon manquant entre les années 1950, avec leurs Indes Galantes dignes de Folies-Bergères, et les résurrections baroqueuses du début des années 1980 ?
L’exposition Rameau à la bibliiothèque municipale de Versailles est visible jusqu’au 3 janvier 2015