Pour fêter les 250 ans de la disparition de Rameau en 2014, William Christie avec les Arts florissants avait créé un programme inédit unissant un très court ballet en un acte et une pastorale écrits par le compositeur déjà septuagénaire. Monté pour le Théâtre de Caen – où bon nombre des opéras du maître dijonnais avaient déjà été donnés par les Arts florissants – le spectacle a été proposé hors les murs, pour cause de travaux, dans un ancien manège équestre. Des gradins ont été disposés en vis-à-vis, l’orchestre sur le côté et les chanteurs au milieu. Ce qui pouvait être gênant pour le public (voir le compte rendu de Laurent Bury) à qui l’on tournait forcément régulièrement le dos disparaît totalement dans cette captation où les mouvements de caméra donnent la sensation d’être immergé au milieu des protagonistes dans ce DVD techniquement virtuose.
Les deux pièces pêchent toutefois par le caractère ténu de leur intrigue. Composées (un peu vite) pour les divertissements dansés de la cour à Fontainebleau, ces deux œuvres indépendantes s’articulent heureusement ici, de la naissance d’un amour, celui de Daphnis et Églé, à la venue de l’enfant dans la Naissance d’Osiris. La chorégraphe Françoise Denieau permet à ses huit danseurs de multiplier les variations visuellement jubilatoires, entre mime et figures baroques traditionnelles, où l’imagination magnifie des codes parfois un peu trop sèchement appliqués ailleurs. Sa science de l’ornementation fait écho au travail de précision de William Christie où une pointe de fantaisie humanise et pimente le tout. Les interprètes des rôles chantés sont également tout à fait à leur aise, tous dotés d’une qualité de phrasé impeccable. Reinoud van Mechelen est excellent comédien, Élodie Fonnard se montre éclatante de santé, Arnaud Richard sobre mais sonore, Pierre Bessière très convaincant, donc divin en Jupiter et Magali Léger irrésistiblement gracieuse. Tous sont mis en valeur par des costumes qui oscillent entre l’univers de Watteau et celui de Goldoni, dans des couleurs à la fois pastel ou très franches, selon les éclairages. Il faut dire que les effets lumineux sont les seuls éléments de décor de ce spectacle minimaliste, mais exquis et très agréable à regarder, l’enthousiasme du grand William et de ses partenaires étant pour beaucoup dans le plaisir que l’on prend.
Las, le DVD ne présente aucun complément, pas le moindre entretien avec chef d’orchestre, metteur en scène, chorégraphe, costumier ou éclairagiste, qui auraient eu chacun tant de choses à nous dire sur Rameau et le monde baroque…