Certaines personnes profitent du confinement pour se remettre au tricot, au scrabble ou au jokari basquais. D’autres réalisent des projets parfois plus ambitieux, à l’image de la soprano Katharine Dain et du pianiste Sam Armstrong. Confinés ensembles, ils profitèrent de tout ce temps libre pour mettre sur pied un fort beau programme porté au disque dès que les conditions le permirent.
Cet enregistrement est celui de deux artistes qui sont avant tout de fins musiciens, ce dont leur programme témoigne. Les Poèmes pour Mi de Messiaen font figure de clef de voûte, autour de laquelle s’organise un discours en miroir : les Proses lyriques de Debussy, des mélodies de Saariaho et Dutilleux, et la présence bienvenue de Claire Delbos, première femme de Messiaen, à qui les Poèmes sont dédiés. Œuvres rares, mélodie française, compositeurs mais aussi compositrices… le programme a tout pour nous plaire.
Cette musicalité, on la retrouve avec bonheur dans le jeu des interprètes. Katharine Dain a tout du « grand soprano dramatique » requis par Messiaen. La voix est ample, saine et brillante, sachant se faire plus douce sans contrainte quand la partition le requiert. Le jeu feutré de Sam Armstrong fait des merveilles dans « Parfum de l’instant » de Saariaho ou chez le Debussy rêveur.
C’est dans les pages plus agitées que l’on restera un peu sur sa faim. Si les deux interprètes rendent admirablement compte des « sons impalpables du rêve » chers à Messiaen, le discours ne s’anime qu’assez peu. On aimerait voir les saillies pianistiques d’ « Epouvante » zébrer « De grève » ou « De soir », qui semblent un peu sage. S’il n’y a rien à redire de la prononciation de Katharine Dain, on perd en présence et en timbre à partir du médium-grave de la tessiture, très sollicité dans ce répertoire.
Malgré une légère tendance au vaporisme, ce programme est la belle promesse d’un duo qui gagne à se faire connaître. On se prend même à espérer un deuxième confinement pour connaître la suite de l’histoire !