René Kollo demeure dans nos mémoires comme un grand Siegfried (Bayreuth 77, Chéreau). Le ténor héroïque, fils et petit-fils de compositeurs d’opérettes, illustra aussi le genre durant sa longue carrière. Le titre du CD – « Romantische Abendlieder » – était prometteur. N’allions-nous pas trouver une compilation rendant hommage au grand ténor ? Las, il nous faut vite déchanter. A 83 ans, c’est là la seule performance, admirable si l’on ne tient compte que de l’âge, il ose chanter 7 pièces, dont deux duos à l’unisson avec un compère, tous des tubes que chaque auditeur a dans l’oreille, de Schubert à Brahms. Pour ce faire, il s’est associé à Jay Alexander, également ténor, dont la carrière de chanteur populaire n’a pas franchi le Rhin. Le tout enveloppé d’arrangements et orchestrations (pour cordes seules) inqualifiables. Elles ne sont même pas de mauvais goût : brouet insipide, ignorant, par- delà les notes, l’esprit de chaque pièce. Marcel Cariven faisait mieux lorsqu’il accompagnait Georges Thill, alors âgé de 70 ans, dans quatre Lieder de Schubert, sur des paroles françaises de Victor Wilder, en 1957.
Soyons indulgent : le caractère strophique des Schubert, leur approche populaire ne sont pas forcément si éloignés du tour que leurs donnent nos complices. Mais, dès le Mondnacht (Eichendorff) de Schumann, confié à Jay Alexander, la dimension étrange, onirique est complètement évacuée pour une lecture alla Volkslied. C’est laid. Il en ira de même de Waldesgespräch (chanté par René Kollo). Tout est de cette veine, y compris les deux pièces instrumentales – Chanson de nuit, d’Elgar, et la méditation de Thaïs – cette dernière retenue certainement pour sa popularité universelle. Le prétexte de ce CD résidait dans des évocations relatives à la nuit, à la lune. Un disque racoleur et chiche (36 minutes et 59 secondes). Qu’est venu faire René Kollo dans cette galère ? Naufrage plus qu’hommage. A réserver aux fans d’André Rieu.