Dans la perspective des fêtes de fin d’année s’ouvre la traditionnelle saison des coffrets. Avec celui de dix CD résumant l’art vocal de Bach (Bach für immer), c’est une nouvelle somme – de onze CD cette fois – que nous propose Philippe Herreweghe.
Ces rééditions, dont la sortie s’échelonne entre 2011 et 2019, constituent un ample panorama que nous parcourons de Bach à Bruckner et Dvořák . Des jalons essentiels, certes, mais dont le choix est évidemment lié aux productions récentes du maître : pas de grands motets versaillais, ni Mozart, ni Schubert et Mendelssohn, ni Berlioz, ni Liszt ou encore Brahms, qui auraient pu trouver place dans cette fresque. Le volume aurait plus que doublé… et il faut bien garder des provisions pour l’hiver 24.
Examinons donc le contenu. La Messe en si, dirigée par le maître gantois a fait l’objet de deux comptes rendus, au concert (Majeure Messe en si à Bruxelles), comme au disque (Du superbe papier glacé). La Création, pas moins de quatre (Création et commémoration ; Et Dieu créa Herreweghe ; Haut les chœurs ; Herreweghe fait son big-bang). Par contre, étrangement, Les Saisons n’avaient pas été chroniquées. Pour faire court, écrivons que tout Haydn est là, vivant, coloré, servi par des timbres superbes, et des voix en parfaite harmonie. Toutes ces qualités se retrouvent dans la Missa solemnis, (Embryon de Beethoven), à laquelle Herreweghe confère à la fois une monumentalité et une humanité émouvantes. Les deux œuvres, grandioses, de Dvořák valent ici pour l’intelligence de leur approche, équilibrée. Le Stabat Mater paraît réservé, un peu trop sage, où la ferveur est mesurée (cf. la version de Rafael Kubelik). Le dynamisme du Requiem, sa lisibilité, son architecture et son rayonnement sont une réussite. Bruckner (Messe n°2 et Te Deum) est chroniqué dans Bruckner en pleine lumière. Ce dernier titre, qui recouvre une vérité constante, nous rappelle que Philippe Herreweghe aborde chacune des œuvres de façon très personnelle, longuement mûrie, en dérogeant à la tradition s’il le juge utile. Ainsi pour ces deux pièces, leur écoute comparée à celle réalisée par Jochum est édifiante. Ce dernier a besoin de quinze minutes supplémentaires rien que pour la messe (31′ chez Herreweghe). Ce sont surtout sa lisibilité, sa clarté, et sa ferveur que l’on appréciera chez un Bruckner tout sauf pâteux, emphatique et indigeste.
Est-il besoin de rappeler que toutes ces gravures sont « historiquement informées », c’est-à-dire fondées sur les sources les plus authentiques, et jouées, selon les critères du temps, sur instruments d’époque ? Un must, à prix très doux, dont le mélomane fera son miel, quitte à multiplier les versions dont il dispose sans doute.
(le coffret sera disponible le 6 octobre)