Un conseil : ne jamais révéler ses origines maternelles aux hauts responsables de Forumopera ! Ca m’apprendra d’avoir confessé un jour autour d’une Table d’écoute que je parlais couramment le Schwyzerdütsch, cette langue si raffinée et voluptueuse à l’écoute, pratiquée par quelques centaines de milliers d’habitants de la Suisse alémanique ! C’est comme cela qu’on se retrouve à devoir chroniquer un disque exclusivement composé de mélodies de compositeurs suisses en suisse allemand.
Cher lecteur, avant de vous engager dans cette chronique, je vous conseille cette leçon de suisse allemand administrée à et par Joseph Gorgoni (alias Marie-Thérèse Porchet).
Indépendamment du fait que l’auditeur français (ou belge ou suisse romand) n’en comprendra pas un traître mot (mais c’est aussi le cas pour les opéras et les mélodies en russe, ou en tchèque !), qu’entendra-t-il dans ce disque ? Des mélodies faussement populaires, des sortes de comptines dans la veine de certains Schubert (mais sans le génie, cela va sans dire). Des auteurs inconnus, à part peut-être Volkmar Andreae qui fut un des grands chefs suisses du début du XXe siècle. Un seul poète pour les trente mélodies sélectionnées : Meinrad Lienert (1865-1933). Journaliste pour subvenir aux besoins de sa petite famille, c’est l’auteur d’un roman resté tout aussi inconnu que ses poèmes, Matthias le Double et ses filles, qui a donné lieu en 1941 à un film de Sigfrit Steiner.
Quant aux interprètes, le livret pourtant très soigné de ce disque co-signé par la Radio suisse alémanique, ne nous en apprend guère que leur relation musicale dure depuis dix ans, que la chanteuse Sybille Diethelm et la pianiste Fabienne Romer se sont formées et travaillent entre St.Gall et Zurich.
Mais c’est de la belle ouvrage ! La moquerie serait déplacée à l’endroit d’une équipe qui a mis un tel soin à restituer ce pan méconnu de l’histoire de la musique suisse.
Le plus surprenant dans l’affaire, c’est le raffinement que Sybille Diethelm confère à des mélodies aussi rustres, une sorte de sublimation du suisse allemand, que ses heureux locuteurs décrivent eux-mêmes comme du Buredütsch, de l’allemand de paysan.
Mais une illustre devancière, la grande Elisabeth Schwarzkopf qui, il est vrai, a très longtemps habité les environs de Zurich, n’avait pas craint elle-même de donner dans le folklore Schwyzerdütsch.
Si on ajoute que chaque mélodie est « traduite » en bon allemand… et en anglais, ce disque peut attirer les plus curieux des lecteurs de Forumopera.