Couronné en 2011 par un second prix au Concours Reine Elizabeth, le jeune ténor belge Thomas Blondelle a déjà commencé une belle carrière dans les pays germanophones, comme en témoigne sa présence sur le DVD de Die Liebe der Danae capté à Berlin. Et comme le montre ce CD, il est également compositeur de mélodies narquoises, en partie fondées sur la parodie et la citation (« Im Park » s’ouvre sur les premières mesures du « Roi des Aulnes » schubertiens) : « Zenobia » évoque la mélancolie d’une vache face au monde industriel, tandis que « Also sprach das Farken » présente les méditations d’un porc se prenant pour Zarathoustra…
De fait, presque tout le programme de ce disque est placé sous le signe du rire, avec des textes qui se veulent franchement comiques, ou dont le tissu de banalités prête pour le moins à sourire. Les animaux sont souvent convoqués, on l’a vu (notamment avec Saie et Mahler). On entend ainsi un certain nombre de raretés, comme l’extraordinaire « Sur l’herbe » de Ravel, qui rappelle énormément, par sa musique comme par le poème de Verlaine qu’elle accompagne, le beaucoup plus célèbre « Placet futile » mallarméen. On se réjouit aussi de voir figurer des mélodies de compositeurs britanniques du XXe siècle, très appréciés Outre-Manche mais quasi inconnus sur nos rives, comme Lord Berners ou Harold Fraser-Simson.
Comme son nom ne l’indique pas de prime abord, Thomas Blondelle n’est pas francophone, mais néerlandophone. Et il se présente ici en chanteur polyglotte, puisque le programme se découpe en pas moins de cinq langues : français d’abord, allemand ensuite, néerlandais pour quelques plages, puis anglais et italien ! Le français est bon, comme il se doit lorsqu’on est né où le bilinguisme est en vigueur, mais on remarque vite que ce n’est pas la langue maternelle de monsieur Blondelle, à certains r un peu trop roulés, à des è prononcés é, à des voyelles trop ouvertes ou trop fermées. Il est pourtant bien agréable d’entendre interpréter la « Chanson du bébé », de Rossini, sans l’accent yankee de Thomas Hampson ! Le ténor belge marche sur les plates-bandes du baryton américain avec « I Bought Me a Cat » de Copland, mais avec une adéquation linguistique beaucoup moins flagrante. Assez exotique, son italien s’accommoderait aussi de plus naturel, et de consonnes plus audiblement doublées.
Par ailleurs, « La Danza » de Rossini ne dévoile pas seulement le manque d’italianità de Thomas Blondelle, mais aussi ses limites dans l’aigu. On ne lui rapprochera évidemment pas de ne pas être Luciano Pavarotti, pourtant cet air ne s’inscrit peut-être pas de manière idéale dans les cordes d’un ténor qui a de la ressource dans le grave, mais qui doit parfois détimbrer les aigus (la dernière syllabe de « Paris joli ! » dans le célèbre Voyage à Paris de Poulenc). Les répertoires germaniques et français conviennent sans doute mieux à sa voix et à ses moyens, qui s’épanouissent parfaitement dans la musique moderne ou contemporaine, comme l’a montré sa participation à la création de Frühlings Erwachen de son compatriote Benoît Mernier (à Bruxelles, puis à Strasbourg, et enfin au disque).