Depuis plus de vingt ans, Andreas Scholl s’est imposé comme contreténor de référence. Les plus grands de la musique baroque l’ont associé à leurs productions et son nom restera attaché à cette musique avec laquelle il fait corps, Bach tout particulièrement. Il s’est joint à une jeune flûtiste à bec, d’une virtuosité rare, pour un programme généreux, varié, dont la cohérence repose sur l’association d’une voix d’alto et d’un instrument auquel, trop souvent, on substitue des traversières.
Les arrangements, dont Bach était coutumier, se limitent à la substitution de deux flûtes à l’orgue obligé de l’aria n°3 de la belle cantate « Vergnügte Ruh », et à la transcription pour quatre flûtes de la partie de clavecin du concerto en fa mineur, BWV 1056. Le résultat est convaincant : nul doute que le compositeur n’aurait pas renié cette écriture.
L’alternance de pièces vocales et instrumentales renouvelle l’intérêt. Nous entendrons donc Andreas Scholl dans des arias de cantates (BWV 81, 182 et 119), l’intégralité de la 170 « Vergnügte Ruh, beliebte Seelenslust » et, pour conclure, le célébrissime choral « Jesus bleibet meine Freude », connu ici sous le titre « Jésus, que ma joie demeure ». La voix est toujours superbe, avec la même fraîcheur, la même pureté d’émission qu’à ses débuts. Les phrasés, l’intelligence et l’intelligibilité du texte sont d’une qualité rare.
Dorothee Oberlinger fait partie de cette jeune génération qui, nourrie de l’enseignement de ses maîtres, partage et dépasse leurs réalisations, avec une liberté, une vie, une souplesse inaccoutumées. Certainement l’une des meilleures spécialistes de son instrument, qu’elle a illustré en de multiples enregistrements mal connus de ce côté du Rhin, malgré un Diapason d’or pour son « Flauto Veneziano ». Elle dirige ici l’ensemble 1700, fondé en 2002, dont le nom tient lieu de programme. Elle a pour complice Lorenzo Cavasanti, elle-même dirigeant cet Ensemble 1700, dont la notice ne nous dit rien, sinon les instruments qu’ils jouent.
Ductile et nerveuse, cette formation nous vaut, outre les cantates sacrées, deux des concertos brandebourgeois : le merveilleux quatrième, et le deuxième, où la trompette fait régner sa loi, la sonate de la cantate 182 qui fait dialoguer le violon et la flûte avec souplesse. Le quatrième concerto brandebourgeois fait forte impression, avec un concertino plus lumineux que jamais, comme ses deux flûtes à bec charnues, fruitées, agiles, mutines, dont l’ornementation fluide ajoute à la phrase sans jamais l’alourdir. Si la fin du deuxième brandebourgeois surprend par son caractère délibérément abrupt, les trois mouvements sont un pur bonheur.
« Small gifts » s’intitule cet enregistrement, avec une modestie qui fait honneur à ses interprètes. Il s’agit de présents rares, plus séduisants les uns que les autres, qui raviront l’auditeur, curieux comme fin connaisseur de l’œuvre du Cantor.