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Rosa Feola, Son regina e sono amante

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CD
30 mars 2025
Qui trop embrasse…

Note ForumOpera.com

2

Infos sur l’œuvre

Détails

Didone abbandonata (Rome, 1770) : Son regina e sono amante (Didone)

La capricciosa (Rome, 1776) : Signora padroncina (Nannetta)

Didon (Fontainebleau et Paris, 1783) : Ah ! que je fus bien inspirée (Didon)

Zenobia (Naples, 1756) : Sinfonia

Ciro riconosciuto (Naples, 1759) : Ognor tu fosti (Ciro)

Artaserse (Naples, 1768) : Mi credi spietata (Mandane)

La schiava (Rome, 1776) : Andante con moto

Le Faux Lord (Fontainebleau, 1783) : Ô nuit ! Déesse du mystère (Irène)

Le donne vendicate (Rome, 1763) : ouverture

Atys (Paris, 1780) : Tremblez, ingrats, de me trahir (Cybèle)

Il finto turco (Naples, 1762) : Andantino cantabile

Lo stravagante (Naples, 1761) : Majo p’e la capo (Lisetta)

 

Rosa Feola, soprano

Cappella Neapolitana

Antonio Florio direction musicale

 

1 CD Pentatone 2025 (66’23)

C’est avec un grand respect qu’on découvre ce disque. En effet, à une époque où l’Italie nourrissait un mépris têtu pour ce vénérable pan de son patrimoine lyrique, Antonio Florio fut un découvreur enthousiasmant, chantre de la Naples baroque. Oratorio, cantate, opéra bouffe ou sérieux : le maestro a touché à tout, redonnant leur chance à Provenzale, Veneziano, Caresana, Vinci, Piccinni, Jommelli, Paisiello… Certes, comme nombre de baroqueux, Florio a fonctionné avec « son » écurie, pas toujours à la hauteur vocalement ; mais on pardonnait face au plaisir de la découverte.

Après les années fastes chez Opus 111, le chef s’est fait un peu plus rare au disque (Glossa), mais sa curiosité reste intacte, tout comme sa fidélité à l’égard de la cité parthénopéenne : aujourd’hui chez Pentatone, il met à l’honneur le grand Niccolò Piccinni (1728-1800), natif de Bari formé à Naples. À partir des années 1750, Piccinni fut un des principaux représentants de la glorieuse école napolitaine, faisant applaudir ses comédies et ses opere serie dans toute l’Italie, particulièrement à Naples et Rome, et jusqu’à la cour de Mannheim. Convié à Paris en 1776, il aborda la tragédie lyrique et l’opéra-comique, dont un Faux Lord contenant « Ô nuit, déesse du mystère », proposé de temps à autre façon Arie antiche (sort également réservé à « Se il ciel mi divide » d’Alessandro nell’Indie).  Paris, où le musicien finit ses jours, lui accorda fonctions (à la Comédie italienne, au conservatoire) et succès (Didon, surtout), ainsi que l’honneur d’une controverse esthétique opposant gluckistes et piccinnistes. Engouement gigantesque, la comédie sentimentale La buona figliuola (Rome, 1760) fut un des titres les plus joués du siècle, et mériterait qu’on lui redonne sa chance.

L’hommage est présenté de façon séduisante par le musicologue Dinko Fabris. Visiblement inspiré par Ginguené, premier biographe de Piccinni, il évoque les divers récitals offerts par l’épouse et les proches du compositeur dans son salon parisien. La dernière année de sa vie, Piccinni y aurait organisé un concert rétrospectif embrassant une vaste partie de sa carrière, de la Zenobia de 1756 à l’Atys de 1780. Le présent disque reprend l’idée d’un large panorama et pousse jusqu’à 1783, avec Le Faux Lord.

Hélas, pour servir cette ambition, il aurait fallu un orchestre adapté : si elle joue fort bien, la Cappella neapolitana compte en tout et pour tout dix cordes, un clavecin et un basson. Revendiquer une approche chambriste façon « récital chez les Piccinni » masque peut-être ce qui fut dicté par des contraintes budgétaires, et si les ensembles baroques sont bien souvent en deçà des effectifs historiques, la réalisation est ici particulièrement chiche. Comment espérer rendre pleinement justice à des pages écrites pour l’orchestre de l’Académie royale de musique, le plus vaste de son temps, pour lequel Gluck enrichit l’instrumentation de son Orphée en 1774 ? De même, les grands théâtres italiens avaient largement étoffé leurs effectifs depuis le seicento. En 1741, le San Carlo de Naples pouvait compter sur plus de 50 cordes, 10 bois et 6 cuivres (à peu près comme La Scala à son inauguration en 1778), même s’il faut reconnaître que les villes plus modestes ou les théâtres spécialisés dans le buffo faisaient avec beaucoup moins. Un tel amenuisement des textures et surtout de la palette instrumentale (un hautbois aurait été bienvenu) nuit à la redécouverte d’un compositeur dont la musique ainsi délavée peut paraître monotone, d’autant que quatre pages orchestrales jalonnent le programme.

Il faut concéder au chef la capacité à faire beaucoup avec peu. Antonio Florio dirige avec le sens du style qu’on lui connaît, et respire cette musique avec naturel. Avec les années est venue plus de rondeur ; mais un peu de sa verve communicative s’est évaporée, et l’ouverture de Zenobia ou les airs bouffons restent bien sages. Parfaitement élégant, « Son regina e sono amante » est plus posé qu’avec Roberta Invernizzi en 2003, ancienne interprète attitrée.

La nouvelle venue est Rosa Feola, native de Caserte, près de Naples : gage supposé d’authenticité. Technicienne accomplie, elle aborde le programme avec un solide bagage belcantiste, dans un programme néanmoins assez peu virtuose. La voix est homogène, les vocalises sont élégamment déroulées, legato, phrasé et couleurs sont soignés : Florio a rarement collaboré avec une vocaliste de ce niveau.

Reste qu’à l’impossible nulle n’est tenue, et Feola peine à se saisir du large éventail de styles du programme. Au royal « Son regina » succède une soubrette à peine encanaillée. Impeccablement chantés dans un art tout italien, les magnifiques airs de tragédie lyrique souffrent d’un français sans arêtes*. Ce n’est pas totalement exotique, mais le sens de la déclamation fait défaut. Même dans son arbre généalogique, on attend davantage : les énumérations de Lo stravagante appellent plus de gouaille et de gourmandise pour faire claquer les sonorités propres au napolitain.

La soprano se montre plus entièrement à sa place dans Ciro riconosciuto, dont le séduisant pathos évoque Hasse mais se perd un peu dans sa propre élégance, ou dans les errements de Mandane (Artaserse de 1768). Plus rêveur que péremptoire, « Son regina » souligne l’affinité de Feola pour le mélancolique et le sentimental, ce qui fait regretter absence d’extraits de La buona figliuola, dont on nous dit qu’il a été volontairement évité sans nous expliquer pourquoi. Ajoutons qu’un air de bravoure aurait opportunément pimenté le programme, surtout avec une chanteuse aussi capable.

Piccinni en sort-il bien défendu ? Inégalement, et c’est ce qui participe de la frustration ressentie à l’écoute d’un disque qui n’a pourtant rien de déshonorant. On y reviendra pour l’opera seria, pour la probité vocale dont l’opera buffa ne bénéficie pas toujours, et pour un avant-goût des charmes du Piccinni français. Peu ou médiocrement servi au disque (pirates compris), le compositeur n’a guère eu de chance, et cette réalisation se place malgré tout au-dessus du lot.

* En 1783, le Mercure français évoque « quelques morceaux dont le succès s'accroît à chaque représentation, tels, par exemple, que l'air terrible de Cybèle : Tremblez, ingrats, de me trahir, air que la plupart de ceux qui l'applaudissent ne trouvent beau que parce qu'il est fort & bruyant, mais où M. Piccinni a déployé toute la fertilité, tout le feu de son génie, toute la profondeur de son Art ; où, parmi tant de fracas et de désordre, il se possède au point de ne pas laisser échapper les nuances les plus délicates ».

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Rosa Feola en costume devant un miroir, couverture du disque

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Didone abbandonata (Rome, 1770) : Son regina e sono amante (Didone)

La capricciosa (Rome, 1776) : Signora padroncina (Nannetta)

Didon (Fontainebleau et Paris, 1783) : Ah ! que je fus bien inspirée (Didon)

Zenobia (Naples, 1756) : Sinfonia

Ciro riconosciuto (Naples, 1759) : Ognor tu fosti (Ciro)

Artaserse (Naples, 1768) : Mi credi spietata (Mandane)

La schiava (Rome, 1776) : Andante con moto

Le Faux Lord (Fontainebleau, 1783) : Ô nuit ! Déesse du mystère (Irène)

Le donne vendicate (Rome, 1763) : ouverture

Atys (Paris, 1780) : Tremblez, ingrats, de me trahir (Cybèle)

Il finto turco (Naples, 1762) : Andantino cantabile

Lo stravagante (Naples, 1761) : Majo p’e la capo (Lisetta)

 

Rosa Feola, soprano

Cappella Neapolitana

Antonio Florio direction musicale

 

1 CD Pentatone 2025 (66’23)

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