La voici cette Vestale promise, cette Vestale attendue depuis son exécution en version de concert au Théâtre des Champs-Élysées la saison dernière. L’enregistrement réalisé peu de jours auparavant se pose en référence selon la formule du livre disque adoptée par Bru Zane – le 35e de la collection « Opéra Français ».
D’une part, un recueil de textes offre différents regards historiques et musicologiques sur cet opéra admiré de Berlioz. « Gloire et respect à l’homme dont la pensée puissante, échauffée par son cœur, a créé tant de scènes immortelles » écrivait le bouillant Hector à Spontini dans une lettre reproduite à la fin d’un article daté de 1845.
D’autre part, l’enregistrement, le premier de l’histoire du disque sur instruments historiques, conforte le souvenir du concert prato-élyséen, à savoir celle d’une partition rendue à sa vérité dramatique (même si allégée de quelques ballets). Le tribut payé à la tragédie lyrique se double d’un élan romantique annonciateur dans les finales du grand opéra et dans les airs du clair de lune bellinien. La direction de Christophe Rousset, à la tête de ses Talens lyriques, n’est évidemment pas étrangère à ce positionnement judicieux, à la croisée des chemins. Le studio a épouillé l’interprétation des quelques scories instrumentales relevées sur le vif. Le Flemish Radio Choir participe à l’érection monumentale des scènes d’ensemble. Loin des approches figées dans l’albâtre néoclassique, le drame rougeoie et crépite, à l’image de ce feu sacré sur lequel Julia – la Vestale – oublie de veiller, distraite par de tendres sentiments.
De tendresse, il est moins question que de noblesse. Stanislas de Barbeyrac reste ce général romain, emmarbré dans un médium d’une solidité à toute épreuve, qui aux épanchements amoureux préfère les serments virils et, au dernier acte, l’empoignade avec le Souverain Pontife – Nicolas Courjal fulminant comme dans notre souvenir. Marina Rebeka dessine de Julia un portrait des plus aboutis en ce qu’il conjugue la pudeur farouche et la chaste ardeur de la jeune vestale. Aujourd’hui sans rivale dans ce répertoire, la soprano lettone conserve un timbre prégnant dont les micros n’altèrent ni l’éclat, ni les reflets bleutés. Demeurent au disque comme en concert la pureté de l’émission, la conduite du souffle seule garante d’un legato indéfectible, la lumière éblouissante d’aigus lancés comme des défis – et celui qui foudroie « Impitoyable Dieux » n’est pas le moins électrisant. La voix aux profondeurs étranges d’Aude Extrémo ravive l’impression d’une Grande Vestale à la bienveillance ambiguë. Avec sa chaleur expressive coutumière, Tassis Christoyannis valide l’option discutée – et argumentée par Alexandre Dratwicki en début de volume – d’un Cinna baryton aigu, lequel apparié au ténor grave de Licinius traduit « parfaitement la complicité héroïque des deux amis prêts à défier la mort ».