Robert Chilcott, « Bob » pour les intimes, est un compositeur britannique né en 1955. Petit chanteur à King’s College, ténor au sein des King’s Singers de 1985 à 1997, il s’est mis à composer depuis qu’il a cessé de chanter. C’est donc au bout de moins de vingt ans de carrière qu’il a écrit cette Passion selon saint Jean, après d’autres opus majoritairement destinés à des ensembles vocaux, et plus particulièrement à des chœurs d’enfants. Très souvent interprétées dans le monde anglophone, ses œuvres font une large place à l’inspiration religieuse : son Requiem de 2010 a été enregistré par Hyperion, déjà par le chœur de la cathédrale de Wells dirigé par Matthew Owens, déjà avec l’organiste Jonathan Vaughn et la soprano Laurie Ashworth. En 2013, Naxos lui a consacré deux disques.
Soucieux de participation du plus grand nombre, Bob Chilcott organise des journées baptisées « Come and Sing », ouvertes à tous les amateurs, quel que soit leur niveau. C’est là sans doute la raison pour laquelle le bât blesse un peu à l’écoute de cette Passion conçue à l’imitation des œuvres de Bach et autres compositeurs d’autrefois. L’Angleterre, on le sait, est riche d’une solide tradition chorale, et s’il est généreux de vouloir inclure les fidèles dans l’interprétation même d’une œuvre liturgique, ce n’est pas forcément la garantie d’un intérêt musical toujours très élevé. On entend ici une nette dichotomie entre la « narration » en prose, extraite de la Bible dans la version du roi Jacques, et les passages pour chœur, fondés sur des poèmes allant du VIe siècle (Venance Fortunat) à l’époque victorienne. Ces derniers morceaux sonnent parfois comme le plus banal des cantiques, certes beaucoup mieux interprétés que par une assemblée ordinaire de croyants, mais guère plus palpitants pour l’oreille.
C’est donc sur le récit que le mélomane se rabattra pour trouver une matière plus stimulante, d’autant que Signum Classics n’a pas hésité, pour l’occasion, à faire appel à quelques-uns des chanteurs britanniques les plus en vue. L’excellent Ed Lyon hérite ainsi du rôle écrasant de l’Evangéliste, à qui revient l’ensemble de la narration. Aucun air pour lui, donc, mais la conduite du récit à travers sept extraits de l’Evangile selon saint Jean, auquel il prête la voix claire et souple qu’on connaît grâce à ses incarnations dans le répertoire baroque (il fut notamment un superbe Hippolyte à Glyndebourne). Chaque fois que la narration fait intervenir des personnages, il ouvre les guillemets et laisse s’exprimer, le plus souvent, Neal Davies, grande basse haendélienne, ou le baryton Darren Jeffery, dont le timbre étouffé et peu séduisant convient au personnage antipathique de Ponce Pilate. Les phrases prononcées par la foule ou par un groupe d’individus sont confiées au chœur, avec beaucoup plus d’inventivité dans ces interventions que dans les passages strictement choraux, évoqués plus haut. La soprano Laurie Ashworth n’est réellement présente que dans l’avant-dernier « air », dont elle chante la mélodie fort simple avant d’être rejointe par le chœur.
Comme on le disait plus haut, ce disque reflète une tradition de musique d’Eglise bien vivante en Angleterre, mais la tradition n’est pas toujours le cadre le plus propice pour laisser éclore une authentique personnalité.