Ce deuxième volume de cette réédition des reportages d’Enzo Biagi (voir la recension du premier) commence au quatrième étage des salles de répétition de la Scala. Là, le journaliste explore le monde des « petits rats » de la Scala et du travail des solistes du ballet de l’institution. Même si Milan n’a pas à rougir, à l’époque comme aujourd’hui, du niveau de son ballet, ce n’est pas ce qui porte au pinacle la réputation de la Scala. Aussi cette partie est-elle plus illustrative et convenue que ce que le documentaire montre lorsqu’il se concentre sur la partie lyrique. L’entrée en scène de Riccardo Muti aux cotés de Giorgio Strehler pour leur travail sur le Nozze di Figaro relance le reportage avec une interview croisée des deux hommes, captés sur le proscenium en pleine direction musicale et théâtrale des artistes de la production mythique, qui viendra par la suite à Paris.
Suit une interview de Renata Tebaldi. Passé le dithyrambe chauviniste de rigueur et lancinant dans ces documentaires, à savoir « la Scala est le meilleur théâtre du monde », la soprano raconte comment Toscanini l’a choisie et le travail qui a été le leur. Les images d’archives sélectionnées ici montrent le maestro en pleine direction, la salle de Scala en partie détruite au sortir de la guerre. C’est face à elle que le talent du journaliste fait merveille. Il sait mettre en confiance et obtenir des confidences sans fard, notamment quand il la questionne sur la guerre des clans Tebaldi/Callas.
La deuxième partie nous fait découvrir « les amis du Poulailler » une association fondée en 1973 sur la volonté de Paolo Grassi, surintendant jusqu’en 1977. La caméra s’attarde dans un dîner entre passionnés, jeune et moins jeunes. Il est amusant de constater que les débats, certes courtois, tournent autour des mêmes thèmes que ceux que nous pouvons avoir de nos jours. Nombreux entament le refrain « c’était mieux avant » quand d’autres tempèrent (« les souvenirs, on les embellit avec l’âge ») et déjà on regrette la place trop importante que prend le metteur en scène, ou les programmations construites des années en avance, marché des chanteurs oblige, avec les conséquences que cela peut avoir en terme de fraîcheur vocale lorsque la prise de rôle arrive. Des propos contrebalancés par une interview du surintendant suivant, Carlo Maria Badini, qui doit gérer ce nouveau star system et cette association, legs tumultueux de son prédécesseur et qui existe encore aujourd’hui.
Sans aucun rapport, une interview en longueur et de qualité, de Giulietta Simionato referme ce deuxième volume. On regrettera donc encore une fois l’éparpillement thématique dont souffrent ces reportages qui passent du coq à l’âne. Il en reste l’impression d’effleurer certains thèmes ou moments de l’histoire de la Scala aux dépens d’autres (ici l’association) traités en parfaite immersion.