La Callasmania n’est pas une exception française motivée par l’adresse du dernier domicile de la Divine, avenue Georges Mandel à Paris. Outre-Manche, Sophia Lampton a entrepris à son tour de déchiffrer celle qu’elle qualifie « d’énigme lyrique ». Le résultat de son enquête menée dans une jungle d’archives – 3 395 sources provenant de 21 pays différents et incluant des documents jusqu’alors inédits – fait l’objet d’un livre de plus de six cents pages, dont une centaine de références et d’index. La particularité de ce nouvel ouvrage ? Un triple décryptage : biographique, artistique et psychologique.
Ainsi se dévoilent les multiples facettes de la personnalité de Maria Callas, entrelacées au récit de sa vie et à des considérations musicales, le tout émaillé d’anecdotes. Citons-en une, révélatrice de l’exigence de l’artiste et de ce tempérament qui lui valut le surnom de tigresse. Lors des répétitions d’Armida de Rossini à Florence en 1952, la cantatrice découvre que le metteur en scène, Enrico Frigerio, a prévu un ballet pendant qu’elle chante son grand air « D’amor il dolce impero ». Interrompant les danseurs, elle demande :
« Que se passe-t-il derrière moi ?
— Cela fait partie de la production
— Non, hors de question. Soit je chante, soit ils dansent. C’est l’un ou l’autre.
Si le texte obéit à une stricte chronologie, la documentation dont disposait Sophia Lampton a influé sur la structure du récit. La jeunesse et les années de formation, de 1923 à 1947, n’occupent qu’une soixantaine de pages, plus de la moitié de l’ouvrage étant consacrée à la carrière scénique, de 1947 à 1965, et le reste, soit un tiers environ du volume, aux dernières années de sa vie, de 1965 à 1977.
La correspondance de Maria Callas et ses interviews ayant été largement exploitées par l’auteure, nombreuses sont les citations qui animent le propos et servent l’analyse, avec des observations intéressantes car peu fréquentes, par exemple sur sa manière de s’exprimer face aux journalistes. « Je suis une femme très simple et je suis une femme très morale » dit-elle en 1970, « Je ne veux pas dire que je prétends être une femme bonne, car c’est aux autres de juger ; mais je suis une femme morale en ce sens que je vois clairement ce qui est bien ou mal pour moi et que je ne les confonds pas ou ne les élude pas. »
C’est ce visage de la chanteuse que Sophia Lampton, au contraire d’autres monographies préoccupées avant tout de l’artiste, a décidé de ne pas occulter, non par voyeurisme mais parce qu’il participe à la compréhension du mystère Callas, jusque dans ses contradictions. Et c’est pourquoi cet ouvrage ne s’ajoute pas à la longue liste des livres traitant d’un sujet que l’on pourrait penser éculé mais vient au contraire la compléter. Une traduction en français serait à présent bienvenue.