Ne vous laissez pas tromper par le titre de cet album : il ne s’agit aucunement d’un énième récital sur le thème de la nuit, du clair-obscur ou du retour de la lumière. Et aucun des textes chantés n’est en anglais. La mezzo-soprano écossaise Catriona Morison a réuni quatre séries de six Lieder (plus un Requiem) sur des poèmes allemands du XIXe siècle, signés par 19 auteurs différents et mis en musique par Grieg, Brahms, Schumann et Josephine Lang. Cette plongée dans la mélodie romantique du XIXème siècle allemand témoigne d’une remarquable intelligence du répertoire, en associant des incontournables tels que Brahms et Schumann, mais aussi Grieg, qui ne s’est qu’occasionnellement tourné vers d’autres langues que le norvégien. Et surtout, voici l’occasion de mieux apprécier le talent de Josephine Lang, si pas de le découvrir. Les six Lieder proposés ici ont été sélectionnés dans un corpus de près de 300 titres, trop rarement exécutés. L’un d’entre eux, « Gestern und Heute », apparaît d’ailleurs pour la première fois en CD. Mendelssohn lui-même a vivement encouragé Lang, par sa sincère admiration, ses conseils et aussi sa recommandation qui permit la publication à Munich d’un premier recueil de Lieder, en 1831.
Catriona Morison s’est d’abord fait connaître par un 3èmePrix à la 50èmeédition du Concours de Bois-le-Duc (International Vocal Competition) en 2014. Trois ans plus tard, elle rafle la mise au concours BBC de Cardiff Singer of The World : 1erPrix et Prix de la mélodie. C’est en Allemagne qu’elle poursuit sa formation, dans la troupe de l’opéra de Wuppertal, après des diplômes obtenus à Glasgow et Berlin.
Pour son premier CD, elle est accompagnée par Malcolm Martineau, accompagnateur des stars, et l’un des meilleurs accompagnateurs de la planète lyrique. Morison possède un timbre particulièrement chaleureux, riche en belles harmoniques, qui s’étend sur toute la tessiture de manière équilibrée. Ses graves superbes apporte une couleur admirable aux textes qu’elle défend, avec une remarquable maîtrise de la langue de Goethe. La complicité avec Martineau est totale, comme dans « Mignons Klage » de Lang. Brahms procure peut-être les plus beaux moments de cet album qui n’en manque pourtant pas, avec par exemple un déchirant « Immer leiser wird mein Schlummer ». Morison y tire réellement les larmes lorsqu’elle chante « weine bitterlich » (je pleure amèrement). Son registre grave fait merveille dans la « Sapphische Ode », bercé par le voluptueux piano de Martineau.
On attend avec impatience de pouvoir entendre ces artistes dans une véritable récital public, car l’exercice du studio n’autorise guère un investissement comparable. L’excellente prise de son ne permet pas de se rendre du volume que Catriona Morison est capable de déployer, mais la projection est d’une clarté limpide. Elle se profile clairement comme l’une des mezzos de l’avenir, possédant déjà une belle collection de rôles à son répertoire : Nicklausse (Les Contes d’Hoffmann), Charlotte (Werther), Hänsel (Hänsel und Gretel), Maddalena (Rigoletto), Cherubino (Le Nozze di Figaro), Derr Komponist (Ariadne auf Naxos). Elle s’aventure également volontiers dans les répertoires contemporains et baroques.
Son chaleureux timbre a déjà été apprécié par des chefs tels Frans Welser-Möst, Jos van Immerseel, Andrew Davis ou plus récemment par Teodor Curentzis. Elle fut récemment désignée BBC Radio 3 New Generation Artist. Voilà donc une artiste qui mérite d’être suivie avec attention.