Encore des cantates de Bach ! penserez-vous peut-être. C’est qu’on ne s’en lasse pas, surtout si l’affiche est aussi belle. Chaque enregistrement du Banquet Céleste, un ensemble fondé en 2009 par l’admirable contre-ténor Damien Guillon, n’est-il pas toujours un événement ? Ce dernier ne déroge pas à la règle – avec de surcroît sur la pochette du CD physique (décidément irremplaçable) un ange éblouissant, un fragment de « L’Annonciation » de Fra Angelico. C’est bien de mystique qu’il s’agit ici.
Au programme, trois cantates appartenant aux trois cycles composés à la ThomasKirche, entrelacées avec des oeuvres pour orgue, la Sonate en ut majeur n° 2 BWV 526 et le Prélude BWV 546 appartenant à la même époque. La première Cantate de 1724, « Jesu, der du meine Seele » rappelle immédiatement les enjeux tant spirituels qu’artistiques de cette proposition. Avec son chœur initial, ses airs suivis de récitatifs et conclus par un chorale, l’alto s’angoisse à propos de sa damnation probable, tandis que la soprano et la basse incitent les Fidèles à la repentance et à l’espoir du Salut. Dans la conception luthérienne de la musique propre au Cantor, la cantate, chantée entre la lecture de l’Evangile et le sermon, permet de méditer sur le sens des Ecritures. Par l’action de la Grâce, elle amène au repentir le croyant souillé par le péché originel – si ce ne sont les siens.
Damien Guillon, dont on admire la voix fluide au tissu précieux, la diction claire, le sens du drame, offre encore un enregistrement de haut vol. Il a choisi des invités qu’on admire aussi : le ténor Thomas Hobbs, le baryton-basse Benoît Arnould et sa complice de toujours, la soprano Céline Scheen, tous parfaits.
Dans la Cantate « O Ewigkeit, du Donnerwort » de 1723 BWV 60, un dialogue tendu oppose l’alto et la basse entre crainte de la mort et espérance. Là encore s’apprécie le beau travail des instrumentistes du Banquet Céleste se mêlant ou doublant les voix solistes de leurs motifs et contrepoints, figurant ici la hantise du péché inexpugnable, là l’essor de l’âme en quête du Ciel. Expression mystique du désir du divin et extase spirituelle triomphent encore dans la Cantate « Wer sich selbst erhöhet der soll erniedriget werden ». La sensibilité des phrasés infuse un son idéal, riche aussi de la large palette des modulations des voix d’une troupe de chanteurs (qu’on sent unis et complémentaires). Une perfection qui se vérifie jusque dans les récitatifs auxquels l’orgue de Maude Gratton apporte couleurs et transcendance.