Après quelques minutes de visionnage de cette Olimpiade de Pergolèse, l’excitation de découvrir une rareté disparaît rapidement quand on comprend que le décor unique n’évoluera guère, desservi par une mise en scène nonchalante et économe. On s’apprête à s’ennuyer ferme pendant près de trois heures. Pourtant, petit à petit, le charme de l’œuvre l’emporte et malgré la complexité, souvent inutile, des livrets de Métastase, l’intrigue se noue et nous interpelle. Le récitatif final arrive ainsi comme une apothéose. Dommage que la mise en scène d’Italo Nunziata ne parvienne jamais à sublimer cette œuvre qui mériterait d’intégrer pleinement le répertoire. Le décor consiste en un podium disposé dans la foule en forme de croix. On s’attend à y voir défiler de somptueux costumes, or ce ne sont que quelques vêtements plutôt sobres, de couleur unie et vive qui apparaissent, pour des personnages qu’on peine à reconnaître, tant ils se ressemblent (on le comprend un peu plus tard, puisque deux personnages se révèlent au final être jumeaux). Les perruques extravagantes qui les distinguent s’apparentent à la période 1973 de Bowie, sans que l’on comprenne très bien pourquoi les femmes portent les cheveux courts en pétard, allongés par deux queues de crin de cheval qui pourraient leur servir d’écharpes. Certes, l’opéra avait été créé avec une distribution exclusivement masculine par interdit religieux et les rôles sont ici interprétés par des mezzos plutôt que des hautes-contre. Admettons qu’il s’agisse de rendre compte d’une certaine androgynie, mais tout cela n’est pas particulièrement esthétique.
De décor, il n’y en a point (à quelques accessoires près), sauf le théâtre lui-même, où apparaissent de temps à autre les protagonistes à un balcon par ailleurs superbe, sauf que la distance par rapport aux autres chanteurs sur le praticable ne s’impose guère, voire s’oppose au texte. Plusieurs caméras, dont une située en hauteur, permettent de saisir le dispositif minimaliste et les mouvements peu dirigés des chanteurs. On voit surtout les spectateurs, comme à la Fashion Week, sauf qu’ils sont moins élégamment vêtus. Presque tous s’éventent avec ce qu’ils peuvent, leur programme essentiellement… Il doit faire très chaud dans la salle, mais on les envie d’être plongés au cœur de l’action et de son développement exclusivement intimiste et psychologique, car la plupart des chanteurs font merveille. Sofia Soloviy, notamment, propose un Megacle particulièrement convaincant, avec une once de masculinité dans la voix qui transcende une prestation presque toujours maîtrisée, noble et entière, à l’instar du rôle. Les autres rôles féminins sont de très haute qualité. Yetzabel Arias Fernandez pleure puissamment l’ingratitude des amants et incarne avec force une Argène peut-être pas suffisamment nuancée. Milena Storti et Lyubov Petrova méritent des louanges pour leur interprétation tout en frémissements de leurs rôles respectifs d’Alcandro et d’Aristea, où la technique se fait discrète et au service des affects. Enfin, Jennifer Rivera, superbe Licida, est magistrale, notamment dans l’air de fureur « Gemo in un punto e fremo » où sa très belle musicalité restitue à merveille la complexité des passions contraires qui animent son personnage. Du côté de la distribution masculine, Antonio Lozano s’en sort plutôt bien mais Raul Gimenez est visiblement à la peine, notamment dans les aigus. Cela dit, son sens du phrasé dans les récitatifs et son aura de comédien magnifient l’ensemble. Tous sont judicieusement mis en valeur par la direction au millimètre d’Alessandro De Marchi qui sait tirer le meilleur de sa formation, l’Academia Montis Regalis, sur instruments anciens. À la fois sobre et expressive, la direction du chef imprime un rythme haletant à l’ensemble tout en donnant la sensation de prendre le temps, chaque rôle et/ou instrument étant distinctement caractérisé.
Il reste à saluer le patient travail de revalorisation des œuvres de Pergolèse par l’équipe du festival Pergolesi de Jesi. D’autres DVD d’Arthaus du même festival sont proposés en bandes-annonces et donnent envie de découvrir ces œuvres où la mise en scène confine à la féerie, du moins sur la sélection de quelques minutes proposée ! Néanmoins, on se prend à rêver d’aller juger sur pièces à Jesi*, dans les Marches, tout à côté de Macerata et de Pesaro.
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