Nouveau venu dans le paysage discographique baroque, bien que fondé en 2015 par François Cardey, l’Ensemble Agamemnon a centré son répertoire sur l’Italie et l’Allemagne du Seicento, dont il met en valeur des pages oubliées. Ainsi ont été réunies des pièces de huit compositeurs dont les créations s’échelonnent sur un bon demi-siècle, autour de 1650. Sonates en trio, pages instrumentales, une sinfonia alternent avec des psaumes, motets divers, cantates, illustrés par la voix d’Alice Kamenezky. Si plusieurs compositeurs sont maintenant mieux connus, le programme est original et sa découverte mérite une écoute attentive, se concentrant sur des œuvres vénitiennes de ce tournant où le premier baroque s’épanouit sous de multiples formes. Centré sur la nuit, propre au mystère, à l’abandon, à la passion, c’est un enregistrement à déguster plage par plage, car l’absence de renouvellement de l’instrumentation, malgré la diversité des pièces et des instruments mobilisés, induit une certaine lassitude. Trop sage, appliquée, la lecture paraît uniforme, convenue, où il faut chercher les oppositions, les contrastes comme la dynamique. Alors que la variété de timbres dont dispose l’ensemble est conséquente, la voix et le cornet monopolisent l’attention, les autres musiciens accompagnant consciencieusement. Certes, le cornet est alors l’instrument roi, situation que lui dispute le violon, mais n’y avait-il pas place pour valoriser le jeu de tel ou telle ? La prise de son privilégie une réelle plénitude, à laquelle ne manque que la richesse des couleurs. Qui, de la voix et du cornet, cherche à imiter l’autre ? Etrangement, les intonations, les couleurs les rapprochent, et les fréquents jeux d’imitation que réserve l’écriture sont bien servis. Cependant, la voix manque d’assurance et accuse ponctuellement quelques défauts de justesse, ce qui est aussi le cas, indépendant, du cornet dont certains aigus sont trop bas.
La délicatesse de Era la notte (Antonio Cesti), sa poésie méritent d’être signalées. Le sommet nous paraît être la cantate Ombre fuggite e voi (de Luigi Rossi), ample scène lyrique, foisonnante, porteuse de tous les affects. L’aisance semble plus grande dans les passages récitatifs que dans les airs, manquant de liberté, appliqués. Les traits sont en place, mais empesés. Où est l’art de la diminution, de l’ornementation ?
Un essai courageux, prometteur, que l’expérience et l’approfondissement transformeront en pleine réussite, n’en doutons pas.