Le 85e anniversaire de Valentin Silvestrov – le 30 septembre dernier – est l’occasion pour l’éditeur régulier du compositeur ukrainien – ECM New Series – de publier un copieux enregistrement de 24 mélodies pour chœur a cappella, dont l’essentiel est formé de quatre cycles se référant aux événements de la place Maidan à Kiev en 2014.
« Place Maidan » est une tautologie, puisque Maidan (issu du persan Mydan) signifie Place. Mais c’est ainsi que les médias occidentaux décrivent la grand-place centrale de Kiev, celle où a été célébrée l’indépendance de l’Ukraine après la dissolution de l’Union Soviétique en 1991, celle où ont eu lieu les grandes manifestations de 2008 (la révolution « orange »), de 2013 (pour un traité d’association avec l’Europe, contre celui que le pouvoir en place voulait signer… avec la Russie !), prolongées en 2014 au moment des « événements » qui ont conduit à l’annexion de la Crimée par la Russie.
Valentin Silvestrov a, en quelque sorte, tenu la chronique des événements de Maidan, au cœur de sa ville natale, reprenant, arrangeant, promouvant chants populaires, religieux et patriotiques, certains sur des poèmes du grand barde national ukrainien Taras Chevtchenko, comme dans son Requiem pour Larissa : quinze mélodies chantées a cappella. L’exceptionnelle qualité du Chœur de chambre de Kiev, dirigé par son fondateur Mykola Hobdych, ne peut empêcher qu’une certaine lassitude nous gagne à l’écoute en continu des quatre cycles. L’enregistrement a eu lieu en 2016 à la cathédrale Saint Michel de Kiev.
Silvestrov souligne que « ce n’est pas un hasard si le sommet et la fin du cycle Maidan 2014 sont une berceuse apaisée. Car je ne peux ni ne veux reproduire le bruit de cette terrible guerre. Au lieu de cela , je veux montrer à quel point notre civilisation est fragile. J’essaie, avec ma musique, de sauvegarder et de préserver un jour de paix ».
On ajoutera que la pièce devenue malheureusement la plus populaire de l’ensemble est cette « Prière pour l’Ukraine » qui a beaucoup été reprise dans les salles de concert du monde entier depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février dernier …
https://www.youtube.com/watch?v=YuzS_ZS2czY
Les neuf chants qui complètent les cycles Maidan 2014 sont de nature assez différente : hymnes à la nature, mélodies populaires, espérance de jours meilleurs (Sur notre terre la chance existe), souvenirs émus (allusions à Larissa Bondarenko, l’épouse du compositeur disparue en 1996).
Silvestrov administre, dans ce corpus choral, la preuve qu’un compositeur qui a été, en même temps qu’il la fréquentait, l’avant-garde des années 60/70, reste à l’avant-garde de la création puisque, comme il le rappelle lui-même non sans ironie ni autodérision, « si l’avant-garde c’est se défaire des contraintes formelles du passé, alors c’est aussi aujourd’hui se défaire des contraintes de l’avant-garde d’hier ».