On comprend, évidemment, que Rolando Villazón ait voulu, lui aussi, apporter sa pierre à l’édifice du 200e anniversaire de la naissance de Giuseppe Verdi, auquel le ténor franco-mexicain doit tant. Alfredo, Le Duc de Mantoue, Don Carlo lui ont donné la possibilité de montrer son talent sur les plus grandes scènes, à de nombreuses reprises… pour l’essentiel au siècle dernier.
Certes, le musicien est là, avec sa débordante énergie surtout. On ne peut pas ne pas trouver Rolando sympathique et la campagne de promotion que lui organise Deutsche Grammophon, y compris avec un concours de vidéos destinées à illustrer « La donna è mobile », est à son image ! L’idée d’offrir un parcours dans l’ensemble de la carrière de Verdi, de Oberto à Falstaff, n’est pas mauvaise et, plutôt que d’enchaîner uniquement des tubes, Villazón sort des sentiers battus en proposant quelques airs tirés d’opéras de jeunesse, et même deux romances et un « Brindisi »que Verdi a composés dans les années 1830. Les arrangements de Luciano Berio, jadis enregistrés par José Carreras, ne sont pas d’un goût absolu mais pour un programme avec orchestre, cela convient*. En revanche, quel choix absurde que celui de l’air de Fontainebleau de Don Carlo dans la version italienne… Pour honorer ce Verdi-là, un air en français aurait été tellement plus pertinent. Enfin, la conclusion, qui n’en est pas vraiment une, du vrai-faux air de Fenton laisse l’auditeur sur un curieux sentiment d’inachevé.
Surtout l’état vocal du ténor, qui a fête cette année son 40e anniversaire, fait peine. Les ennuis de santé semblent derrière lui mais les dégâts sont là. Les aigus, bien présents, sont affligés d’un vibrato déjà large ou sont excessivement tendus (Don Carlo). La ligne vocale, qui n’a jamais été la qualité première de Villazón, est détruite (Falstaff !) et les sons artificiellement grossis succèdent aux intonations contestables (Bal Masqué). Parfois, on en vient même à soupçonner quelque tripatouillage des ingénieurs du son de la DG pour sauver ce qui peut l’être… L’absence de tenue et, pour tout dire, le débraillé de l’ensemble du programme en viennent à rendre l’écoute franchement pénible, y compris dans « La donna è mobile » à deux doigts du ridicule… Compte tenu de tout ce que l’on sait de Rolando Villazón, on s’en voudrait presque. On pourra toujours sauver l’air de Corrado du Corsaire ou celui de Riccardo dans Oberto. Très insuffisant pour un artiste tel que Villazón. L’année Verdi commence bien mal…
* Les curieux pourront se reporter à l’intégrale de ces romances que Mariella Devia, Sergei Larin et Michele Pertusi avaient gravées pour le label Stradivarius en 2007, là aussi dans des versions orchestrales réarrangées à partir des partitions piano – chant.
//
LIRE UN AUTRE AVIS SUR NOTRE SITE !