A partir du milieu des années 60 et jusqu’au tournant du siècle, Viorica Cortez fut l’un des mezzo sopranos les plus actifs et les plus renommés de la scène lyrique internationale. Trop peu de témoignagnes nous restent de cette voix somptueuse au timbre chaud et enveloppant, véritable bête de scène qui plus est. Enregistré en 1977, ce récital, disponible une première fois en 33 tours sous le label IPG, puis edité en CD chez Alienor en 2001, est enfin à nouveau disponible sous le label Calliope. Son titre, Un vie d’opéra, en exprime bien le contenu : un beau panorama de quelques uns de ses plus beaux rôles, et quelques exemples de raretés auxquelles la chanteuse franco-roumaine n’hésitait pas à se confronter. Viorica Cortez fut une Carmen incontournable, et ce n’est pas sans raisons qu’elle fut qualifiée de « Carmen du siècle » dans les années 70. A l’écoute des deux extraits proposés, et notamment de la Séguédille, morceau pourtant ultra rebattu, on comprend pourquoi. Voici une gitane au caractère bien trempé, mais sans vulgarité, avec cet indispensable esprit français typique de son époque. L’équilibre est parfait entre le mot et le chant : le texte est dit avec intelligence et subtilité, sans en faire trop, et la voix sait se parer de couleurs différentes pour exprimer les diférentes émotions, avec un art typiquement belcantiste. Le « Printemps qui commence » extrait de Samson et Dalila, est d’une profonde sensualité, d’une chaleur envoûtante. Grâce à une prise de son mettant bien en valeur la puissance de la voix, les extraits de rôles de grand mezzo sont particulièrement excitants. De telles interprétations de « O don fatale » ou de « Stride la vampa » (avec des effets de poitrine assumés) mettraient aujourd’hui aisément le feu à la salle. On comprend le succès de La Favorita quand il y avait de tels gosiers pour défendre le chef-d’œuvre de Donizetti. Au chapitre des raretés, la cavatine d’Arsace « Ah, quel giorno ognor rammento », terminée par une superbe vocalise sur plus de deux octaves culminant au si naturel, est la démonstration des bases techniques belcantistes que nous évoquions. L’extrait du Roi d’Ys , « De tous côtés j’aperçois dans la plaine », est impressionnant et nous rappelle, en creux, que Viorica Cortez aborda Wagner avec succès (Venus de Tannhäuser) mais sans s’y consacrer plus avant. Les demi-teintes sont aussi à l’honneur avec l’air de Sapho ou l’extrait plein de douce nostalgie d’Oberto, conte di San Bonifacio, rôle que Viorica Cortez grava en intégrale sur le vif la mêrme année avec le Teatro Comunale de Bologne. Enfin, l’opéra contemporain n’est pas oublié avec « O douleur d’être seule » tiré d’Antoine et Cléopâtre , ouvrage dédié à Viorica Cortez par son époux Emmanuel Bondeville et créé auThéâtre des Arts de Rouen en 1974, dont on peut trouver l’intégrale donnée avec les forces de l’ORTF en 1976 sur les circuits parallèles. L’enregistrement semble être un repiquage d’une copie neuve du 33 tours original et, à l’occasion, on pourra entendre au casque quelques bruits de fond sourds. Au positif, la voix est très présente, ni trop près ni trop loin du micro, sans réverberation excessive. Louis de Froment et l’Orchestre symphonique de Radio-Télé-Luxembourg, dont il était (entre autres) chef permanent de 1958 à 1980, ont beaucoup enregistré à l’époque pour le label Vox. L’orchestre est donc de bonne qualité et la direction du chef toulousain efficace et professionnelle.