A l’écoute de cet énième Gloria de Vivaldi, interprété par Diego Fasolis et ses Barocchisti, on s’interroge. A quoi bon ce nouvel enregistrement qui n’ajoute rien aux innombrables gravures de ce tube de la musique sacrée ? La lecture en est plus fébrile que sereine, quelque peu superficielle et démonstrative, avec des tempi rapides, à la rythmique accusée, on est surpris par le vibrato parfois intense de Julia Lezhneva, dès le « Laudamus te », puis dans le « Domine Deus ». Par contre Franco Fagioli s’y montre superbe : ainsi, son « Qui sedes ad dexteram patris » force l’admiration. Le chœur est honnête, au timbre quelconque, d’une conduite traditionnelle, avec pour être juste, une belle double fugue (« Cum sancto spiritu »). L’orchestre de Diego Fasolis est réactif, coloré, avec quelques articulations inattendues. Mais l’addition des talents ne suffit pas pour parvenir à une interprétation pleinement convaincante. Inégal et peu inspiré, ce Gloria ne serait-il qu’un produit d’appel ?
Le « Nisi Dominus » contraste singulièrement et nous réserve d’intenses moments de retenue, de méditation douloureuse, servis par une voix d’exception, au sommet de son art. Après Andreas Scholl, après Philippe Jaroussky, le psaume a-t-il été mieux servi ? Franco Fagioli, au souffle inépuisable, déroule sa ligne de chant avec des couleurs, des phrasés, des progressions admirables. L’aisance est souveraine. Son précédent enregistrement avait enthousiasmé notre collègue Bernard Schreuders. Celui-ci est de la même eau. Toutes ses interventions sont également admirables, quel qu’en soit le sens. « Surgite postquam sederitis », arioso de l’amertume, au caractère dramatique accusé, est un modèle du genre. Le berceur « Cum dederit » atteint une intensité rare, avec une somptueuse trame instrumentale. L’agilité, les vocalises virtuoses du « Sicut sagittae » nous émerveillent. Le « Gloria Patri », où la viole d’amour et l’orgue combinent leurs timbres, s’il gêne parfois par son ample vibrato, n’est reste pas moins d’une grande beauté. L’Amen nous laisse pantois : la longueur de voix, la virtuosité et l’aisance dans tous les registres, la couleur flamboyante de Franco Fagioli sont-elles égalables ?
Sensiblement postérieur aux deux autres œuvres, le « Nulla in mundo pax » accorde une place primordiale à la virtuosité vocale. Servi jadis par Elly Ameling, puis Nella Anfuso, entre autres, est-ce la raison pour laquelle il apparaît si peu dans la discographie vivaldienne ? Comme dans ses autres motets, Vivaldi écrit deux airs, séparés d’un récitatif, et conclut par un alleluia. Etrangement, la voix que nous écoutons semble sans grand rapport avec celle du Gloria. Tous les accents quasi bel-cantistes, relâchés, de la soprano font maintenant place à une maîtrise exceptionnelle : du début à la fin, on est ému et ébloui par Julia Lezhneva. La technique est superlative, toujours soumise à l’expression la plus juste. Le premier air est superbement conduit, avec une grande pureté d’émission. Les aigus sont frais, naturels, caressants : de la dentelle finement ouvragée. La méditation douloureuse du « Blando colore », savamment ornée avec discrétion, relève du grand art. Décidé, allègre, très profane avec son contre-mi final, le « Spirat anguis inter flores » est éblouissant. L’Alleluia ultime, lumineux, de haute voltige, relève de la plus belle pyrotechnie vocale.
A l’écoute de l’art déployé par chacun des solistes dans les deux dernières œuvres, l’auditeur ne manquera pas d’être fasciné : même si le Gloria déçoit, le psaume et le motet rendent ce CD incontournable.