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WAGNER, Siegfried – Simon Rattle

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CD
11 août 2024
Anti-Bayreuth

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Siegfried
Simon O’Neill

Brünnhilde
Anja Kampe

Der Wanderer
Michael Volle

Mime
Peter Hoare

Alberich
Georg Nigl

Fafner
Franz-Josef Selig

Erda
Gerhild Romberger

Waldvöglein
Danae Kontora

 

Orchestre symphonique de la radio bavaroise

Direction musicale
Simon Rattle

 

3 CD BR-Klassik 900211, 3h52′, enregistrés live à Munich en février 2023

Détails

Siegfried, deuxième journée du festival scénique «L’Anneau du Nibelung»

Musique de Richard Wagner (1813-1883)

Livret du compositeur

Création à Bayreuth le 16 août 1876

Après les succès de son Or du Rhin et, dans une mesure légèrement moindre, de sa Walkyrie, Simon Rattle poursuit son aventure discographique dans le Ring de Wagner. Une entreprise menée avec patience, puisque le présent Siegfried date de février 2023, alors que les deux volets précedents avaient été captés en 2015 et 2019. Le principe reste le même : enregistrer les versions de concert données à Munich, avec l’Orchestre de la radio bavaroise. Ceci permet de cumuler le confort du studio (aucun bruit parasite à signaler) et l’urgence du « live », avec un propos musical qui va constamment de l’avant.

Comme dans les volets précédents, c’est d’abord la splendeur de l’orchestre qui frappe l’oreille. A la tête d’une phalange d’une virtuosité presque sans égale dans ce répertoire aujourd’hui, Sir Simon se délecte des sortilèges de l’instrumentation wagnérienne. Opéra du feu et de la nature, Siegfried se prête particulièrement à une radiographie orchestrale. On entendra donc ici des détails que l’on ne se souvient pas avoir perçus ailleurs : il faut entendre ces bassons qui ricanent dans les scènes où Siegfried et Mime se confrontent, les cuivres graves du prélude de l’acte II, les harpes qui accompagnent le héros lorsqu’il traverse le feu magique, la douceur des cordes qui confine à l’inaudible dans « Ewig war ich, ewig bin ich »… La liste n’est pas exhaustive, et la créativité du chef est sans limite. Une idée chasse l’autre, au point que l’oreille peut parfois saturer face à cet amoncellement de trésors déversés à pleines mains. Surtout que les habitudes d’écoute des wagnériens sont bouleversées : cette façon de passer l’orchestre aux rayons X est l’antithèse même du principe de la fosse couverte de Bayreuth, où les plans sonores ont tendance à se mélanger. Et ce soin presque maniaque du détail, cette façon de concevoir la musique comme une succession d’événements timbriques font de Rattle l’exact opposé d’un chef comme Joseph Keilberth, qui concevait son Ring comme une coulée de lave, où il se tenait comme à distance de la matière sonore, vue comme trop brûlante. Tout est affaire de goût, et les deux approches se défendent. Mais il faut saluer la cohérence des options choisies par le chef britannique, et la qualité de la réalisation fera date.

Au niveau vocal, la satisfaction est moindre. Il faut d’ailleurs noter que, à l’exception du Wotan de Michael Volle (encore était-il remplacé en dernière minute par James Rutherford dans la Walkyrie), tous les protagonistes ont changé en cours de route. Cela n’est jamais très bon signe. Surtout que les nouveaux noms sont plutôt moins bons que ceux qui avaient débuté l’aventure. On exceptera la Erda de Gerhild Romberger, qui met toute la moirure de son vrai contralto au service d’un portrait à la fois minéral et vivant. Mais remplacer le très beau Alberich de Tomasz Konieczny par Georg Nigl n’est – à notre avis – pas vraiment une trouvaille : au lieu du chant fin et châtié, on nous sert un sprechgesang certes bien exécuté, mais terriblement banal, alors que l’Or du Rhin nous avait promis une relecture de ces rôles « noirs ». Il y avait chez Konieczny un côté belcantiste qu’on ne retrouve plus ici. Même tableau avec le Mime de Peter Hoare. Certes, le ténor britannique sait ce qu’est un chant vipérin,  et l’insinuation comme le venin se retrouvent dans son interprétation, mais Herwig Pecoraro nous avait promis davantage en matière de réinvention. Les deux Nibelungen nous ramènent vers une certaine tradition du chant wagnérien, que la direction de Simon Rattle contredit avec éclat, ce qui crée une certaine confusion.

Franz-Josef Selig remplace Eric Halfvarson en Fafner, ce qui nous vaut une prestation impeccable en termes de musicalité, mais un peu terne. Ce dragon n’est guère effrayant. L’oiseau de la forêt de Danae Kontora est bien court en termes d’aigus, et cela criaille plus que cela ne piaille. Rien de tout cela n’est indigne, et on reste dans les cimes de ce que le chant wagnérien peut offrir en 2024, mais ces chanteurs ne se hissent pas au niveau du chef.

Pour Brünnhilde, nous avouons ne pas comprendre le choix d’Anja Kampe pour prendre la relève d’Irene Theorin. Sans doute la prestation catastrophique de la suédoise à Bayreuth en 2022 a-t-elle plombé sa carrière. Mais Anja Kampe n’est que le reflet inversé de sa consoeur. Autant Theorin nous comblait dans La Walkyrie par ses aigus acérés comme des javelots, autant les premières notes de « Heil dir Sonne » font craindre le pire : vibrato insensé, timbre ingrat, instabilité. On tremble, et le début du duo avec Siegfried donne le mal de mer. Heureusement, le grave est davantage assis (au contraire de Theorin), et la soprano allemande parvient à réserver de beaux moments, notamment dans les passages où elle résiste aux assauts de son amant-neveu. Mais on a sans cesse le sentiment qu’elle triche avec sa voix, et que ses réussites sont le résultat d’un camouflage. Quelle déception par rapport à ses débuts il y a 20 ans !

Le Siegfried de Simon O’Neill a toutes les notes du rôle. Ce qui n’est pas un mince compliment de nos jours. Voilà un chant honnête et probe, qui montre une gestion intelligente de l’effort, ce qui lui permet d’arriver frais à l’acte III et à son duo meurtrier. Mais les ressources en matière de timbre sont limitées, et le côté nasal est trop présent. Si cela convient bien aux débuts dans les dialogues avec Mime et le chant de la forge, cela handicape les murmures de la forêt, qui réclament plus de moelleux. Le troisième acte est assuré, mais le personnage reste monolithique, campé dans son profil de gamin insolent alors que les épreuves traversées doivent l’avoir mûri. Reste le Wanderer de Michael Volle. Après la relative déception de son Wotan dans l’Or du Rhin et son annulation de dernière minute dans La Walkyrie, il nous devait une revanche. Il est au rendez-vous, avide d’en découdre. Son personnage s’appuie sur un registre désormais complet, Volle ayant maintenant les graves qui lui faisaient défaut. Campé sur des appuis solides, il ne reste qu’à déployer une voix somptueuse, où le médium et l’aigu restent éclatants, dans une tessiture qui lui convient sans doute encore mieux que celle des deux volets précédents. La qualité de la diction est de premier ordre, et le caractère du personnage est rendu avec subtilité : la puissance du dieu, l’aura mystérieuse du vagabond, l’amertume de celui qui ne joue plus aucun rôle actif ; tout s’emboîte sans se contredire. Volle explose littéralement dans le tout dernier monologue du Wanderer, « Dir Unweisen ruf’ich ins Ohr », entre la deuxième et la troisième scène du dernier acte, où sa voix tonne ou susurre tour à tour, dans un enthousiasme véritablement divin, porté par l’orchestre incandescent que Simon Rattle déroule sous ses pas.

Malgré ses relatives faiblesses vocales, ce Siegfried est à écouter et à thésauriser pour son caractère éminemment personnel, et comme témoignage du travail d’orfèvre accompli à Munich par un chef qui vient seulement d’arriver et qui a déjà laissé une empreinte profonde. Quoi qu’en dise une certaine presse allemande, Sir Simon reste une des baguettes les plus fascinantes de notre époque.

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