Warner Classics poursuit son édition de l’intégrale des enregistrements de Wolfgang Sawallisch – « un des plus grands évangélisateurs modernes de la musique allemande et de la meilleure manière de la faire », écrivait Sylvain Fort dans son hommage nécrologique en 2013.
Après l’œuvre symphonique, mélodique et chorale en juin dernier, quinze opéras – trente-et-un CD – sont réunies en un seul coffret luxueux, de Die Zauberflöte qui n’est pas la meilleure des versions car desservi par une distribution un cran en dessous d’autres (Moll, Schreier, Moser, Rothenberger), à Die Kluge et Der Mond, deux ouvrages en un acte de Carl Orff peu enregistrés – le second bénéficie de la présence lumineuse d’Elisabeth Schwarzkopf.
Entre cet alpha et ces omégas voulus par l’éditeur : Wagner et Strauss, deux monuments dont Sawallisch se pose en gardien d’une tradition musicale au cœur de laquelle il a grandi. En découlent une précision et une fidélité sans faille aux intentions des compositeurs. Ce respect de la lettre n’est pas synonyme d’un quelconque académisme, ou pire, d’une absence de vision. Au contraire, quelle que soit la partition, sa direction se caractérise par une clarté exceptionnelle, une attention méticuleuse aux détails orchestraux, et une capacité à révéler la profondeur émotionnelle de l’œuvre interprétée.
Derrière le chef symphonique, derrière l’homme de théâtre soucieux d’équilibre entre la fosse et la scène, il y a aussi le pianiste et accompagnateur de grands Liedersänger tels Dietrich Fischer-Dieskau, Margaret Price, Lucia Popp, entre autres. Le sens du mot, si essentiel dans la conversation en musique straussienne, pose en référence l’enregistrement de Capriccio en 1959 où rayonne Elisabeth Schwarzkopf en Comtesse partagée entre Nicolaï Gedda et Dietrich Fischer-Dieskau. Auréolés de distributions non moins prestigieuses, Intermezzo (Popp, Fischer-Dieskau, Moll), Die Frau ohne Schatten (Kollo, Studer, Schwarz) et Elektra (Marton, Studer) renvoient à la période munichoise de Sawallisch lorsque sous sa direction, musicale entre 1971 et 1982, puis générale jusqu’en 1992, le Bayerische Staatsoper retrouvait son éclat d’antan.
Invité à Bayreuth de 1957 à 1962, Sawallisch entretient avec l’œuvre de Wagner un rapport d’abord orchestral. Captée live à Munich en 1989, sa Tétralogie aligne quelques grands chanteurs – Waltraud Meier, Julia Varady, Hildegard Behrens, René Kollo, Kurt Moll… – mais c’est dans la fosse que se noue le drame. Les maîtres-mots en restent clarté et précision. L’enregistrement des Maîtres chanteurs (Heppner, Studer, Moll) coïncide avec la décision du chef d’abandonner l’opéra en 1992.
Moins essentiels mais non moins intéressants car rarement enregistrées, Abu Hassan de Weber (Moser, Gedda, Moll) et Die Zwillingsbrüder de Schubert (Gedda, Moll encore), deux singspiel en un acte, complètent la collection.