Quatrième récital chez Aparté pour Xavier Sabata, qui mène une belle carrière au disque et à la scène. Comme pour les trois précédents (Bad Guys, I Dilettanti et Catharsis), le falsettiste catalan s’est choisi un fil rouge, et s’inscrit dans la mode des hommages à une personnalité historique. Après Cléopâtre par Prohaska, Agrippine par Hallenberg, Sémiramis par Bonitatibus et César par Raffaele Pe, c’est au tour d’Alexandre le Grand d’être mis à l’honneur. Simple prétexte, tant rien dans les livrets ne distingue particulièrement le conquérant d’autres premiers rôles du temps, tiraillés entre amour et gloire. Ces Alexandre ne manquent pas d’afficher leur vertu guerrière, mais, érotisés par la légende, luttent surtout sur une carte du tendre qui va de l’Orient à l’Occident.
Titre pertinent donc que L’Alessandro amante, puisque la majorité des airs sélectionnés nous montrent le héros plongé dans les affres amoureuses. Xavier Sabata lui prête une voix fort belle qui privilégie moelleux, chaleur et homogénéité. Tous les contre-ténors ne répandent pas le même baume ! Mais certains compensent par un sens dramatique plus affuté et des contrastes bienvenus. Ce chant douillet, pourtant nuancé et récité avec clarté, n’accroche pas continûment, et la ligne tend à s’éteindre dans un grave bien mince. Ce n’est pas dire que l’Espagnol est inerte, et il maîtrise joliment des airs jadis chantés par les castrats Senesino, Tempesti, Signorini, Monticelli, Finazzi et même Farinelli ! Pensé pour ce dernier, « Destrier che all’armi usato » de Porpora n’escalade pas la portée, permettant à Sabata d’en décocher toutes les triples croches. Pour le bouillant Poro, on peut néanmoins préférer la déclamation et le ton belliqueux de Cenčić avec Petrou. Que l’ours en peluche montre un peu les crocs ! Il faudrait aussi animer les galanteries de Leo avec plus d’imagination pour nous séduire autant que les Londoniens, dont on s’explique mal, en l’état, l’engouement pour « Dirti, ben mio, vorrei ».
En dépit de ces menues réserves, ce programme judicieusement adapté aux moyens vocaux et expressifs du chanteur surpasse selon nous le précédent Catharsis (nous ne partageons pas tout l’enthousiasme de Laurent Bury), qui exigeait une autre intensité dramatique. On suit volontiers ce parcours jalonné de belles raretés, allant de 1687 à 1741. Outre des Haendel superbes mais rarement offerts en récital, les inédits de Draghi et le « Serbati a grandi imprese » cantabile de Pescetti séduisent particulièrement. Au total, quatre compositions sur Alessandro nell’Indie sont présentées, y compris la toute première de 1730, qui montre combien le tandem Metastasio-Vinci était sensible au drame en musique. Autre heureuse découverte, les extraits de L’Euleo festeggiante nel ritorno d’Alessandro Magno dall’Indie sont du tout meilleur Bononcini, et qu’importe si cet Alexandre et cet Héphestion énamourés étaient les célèbres ténors Buzzoleni et Garghetti lors de la fastueuse création viennoise de 1699 : la transposition tombe parfaitement dans le gosier de Sabata.
Jolie découverte enfin que l’ensemble Vespres d’Arnadì, sous la baguette de Dani Espasa. L’équilibre est excellent avec des lignes robustes et colorées, tantôt bondissantes, tantôt impeccables de legato. Des ouvertures de Bononcini, Steffani et Mancini ponctuent agréablement ce disque.