Klaus-Florian Vogt est un jeune quadragénaire bien installé depuis quelques années au firmament des ténors du circuit, et en particulier des ténors wagnériens. Un peu partout dans le monde, au Met, à la Scala, en Allemagne, il est Walter von Stolzing, Siegmund, Parsifal ou encore Lohengrin qu’il reprendra à Bayreuth l’été prochain. En ce moment même, il est Cavaradossi à Berlin. On se souvient à Paris d’un Erik du Vaisseau Fantôme très agréable sur scène, à défaut d’être tonitruant (voir recension). Son Tito de La clemenza à Garnier appelait en revanche de sérieuses réserves, en particulier à cause d’un italien désastreux (voir recension).
C’est dire que son premier CD en solo chez Sony était attendu avec impatience. Il est consacré aux « Héros », « Helden » dans la langue de Goethe. Les concepteurs de la pochette sont au diapason, avec un ténor façon Seigneur des Anneaux, appuyé sur une épée massive, devant un ciel tourmenté. « Helden », donc ? Comme Helden-tenor ? Voire. Le texte d’accompagnement essaie de démontrer, plutôt maladroitement, que le héros n’est pas nécessairement un fort gaillard qui lance des aigus tonitruants l’épée aux côtés et le casque sur la tête. Soit. De fait, le programme entièrement germanique, proposé par Vogt et Peter Schneider à la tête des forces de la Deutsche Oper berlinoise, surprend par une certaine diversité, de Wagner à Lortzing, de Weber à Korngold. La curiosité est même titillée. Hélas, dès la première écoute, la déception s’impose et rien ne vient la contrecarrer par la suite.
Klaus-Florian Vogt n’est pas le prototype du fort ténor wagnérien et on ne saurait le lui reprocher. Attaquer « in fernem Land » comme un Lied se justifie parfaitement, surtout que la voix est assez haut placée. Pour « Winterstürme », la légèreté pose davantage question. Klaus Florian Vogt suivrait-il la trace de la grenouille qui voulait se faire plus grosse que le bœuf ? Le reste du programme le laisse craindre car on entend surtout un ténor plutôt léger, bien clair de couleur, pour ne pas dire pâle, avec un timbre qui manque de chair et de richesse harmonique. Est-il davantage à l’aise dans le répertoire plus léger ? Pas vraiment. Dans la charmante romance du Marquis de Chateauneuf de Zar und Zimmermann ou dans Oberon, le phrasé poussif n’est pas convaincant et certains aigus partent même vers l’arrière. Quant au bas medium et aux graves, ils sombrent et disparaissent bien facilement. Même si l’on n’a pas un Wunderlich dans l’oreille, le résultat n’est pas probant. Seul le duo de Die tote Stadt, enregistré live avec une soprano au vibrato marqué, laisse flotter un peu de poésie.
Klaus Florian Vogt est sans nul doute un artiste sincère qui, sur scène, peut emporter la conviction. Mais ce disque est raté. Il reste à espérer que la lourdeur de ses engagements et de sa spécialisation affirmée ne fasse pas peser sur sa tête, en guise d’épée, celle de Damoclès.