Freddie De Tommaso : Il Tenore

Né en 1993, Freddie De Tommaso fait ses débuts en 2017 à Covent Garden (un des apprentis dans Die Meistersinger von Nürnberg) puis tient son premier rôle soliste en ces mêmes lieux avec Cassio en décembre 2019 aux côtés de l’Otello de Gregory Kunde. Fin 2020, le jeune chanteur enregistre son premier album pour Decca, Passione, qui sortira en avril 2021. Le disque est consacré aux grands classiques de la mélodie italienne (Tosti, Puccini, Leocavallo, di Capua…). Le 8 décembre de cette même année, toujours à Londres, De Tommaso remplace au pied levé, à l’issue du premier acte de Tosca, un Bryan Hymel souffrant : prévu initialement un peu plus tard dans la série, le ténor italo-britannique assurera triomphalement la totalité des représentations. A cette occasion, Sylvain Fort réalise pour Forumopéra  la première interview française du jeune chanteur (et probablement son premier entretien mondial en dehors des îles britanniques). Il Tenore est son second enregistrement, et le premier consacré au répertoire lyrique. Le répertoire proposé ici n’est pas des plus originaux : avec les larges extraits de Tosca, on se demande si on n’a pas fait les fonds de tiroirs des morceaux travaillés par le chanteur pour arriver à remplir péniblement un CD d’à peine 50 minutes… Mais ne confondons pas qualité et quantité : ce disque nous permet d’apprécier avant tout une authentique voix de ténor dramatique (une espèce rare ces dernières années), au timbre sombre et corsé, avec une franchise d’émission remarquable, autant qu’on puisse en juger par un enregistrement : un ténor qui impressionne sans jamais forcer, d’une virilité maîtrisée. Ce récital n’est pas pour autant une simple démonstration de force. De Tommaso sait aussi nuancer et interpréter, même si ses talents dramatiques restent encore rudimentaires à ce stade et dans le cadre d’un récital. Son français est très correct, avec une interprètation de l’air de la Fleur, nuancée. L’air est couronné par un beau si bémol attaqué piano, avec à peine un peu de voix mixte, et terminé pianissimo sur un morrendo très élègant malgrè sa liberté par rapport à la partition. Les deux extraits de Turandot sont assez exaltants, quoique le timbre un brin anonyme du chanteur manque du rayonnement des Corelli ou Lauri-Volpi (sans parler de Pavarotti qui n’était pas un ténor dramatique bien entendu). Le duo de Madama Butterfly met en évidence un suraigu solide, avec un contre-ut généreux. A ses côtés, Lise Davidsen est une Tosca un peu générique d’interprétation et au chant moyennement maîtrisé. En Butterfly, Natalya Romaniw offre une belle voix, capiteuse, trop sans doute pour la fragile jeune fille qu’elle est sensée interpéter, et à la diction un peu brouillonne. Aigul Akhmetshina est une belle découverte en Carmen: belle voix, bonne diction et un potentiel dramatique qui ne demande qu’à être accompagné. A la tête du Philharmonia orchestra, impeccable mais assez lisse, Paolo Arrivabeni offre une direction plutôt lymphatique, élégante mais sans la puissance dramatique que ce répertoire réclame. Heureusement, les chanteurs font le job !