Lors d’événements importants, les œuvres de Corelli étaient confiées à des ensembles imposants, à grands effectifs. La funeste révocation de l’Edit de Nantes, donna lieu dès l’année suivante à des réjouissances romaines, orchestrées par César d’Estrées, cardinal et frère de l’ambassadeur de France. Ainsi, le concert qui clôtura les festivités en l’honneur de Louis XIV, fut dirigé par Corelli lui-même, en plein-air dans l’un des théâtres urbains les plus célèbres de la Rome baroque : la colline du Pincio, entre la Trinité-des-Monts et la Place d’Espagne. La reconstitution que nous propose Emmanuel Resche-Caserta se fonde sur des œuvres connues sous leur forme de sonates en trio, de sinfoniae et de concerti grossi, dont l’amplification correspond aux données de l’époque, comme il emprunte à l’oratorio Santa Beatrice d’Este .
N’était l’écriture, l‘effet est comparable à celui que produisirent Water Music et Fireworks Music sur le public londonien, en 1717 puis en 1749. Haendel devait avoir en mémoire ce qu’il avait écouté à Rome. Hautbois, trompettes et timbales, cordes abondantes s’en donnent à cœur joie pour une musique réjouissante, festive à souhait.
L’intérêt de la réalisation, outre qu’elle nous propose un Corelli dirigeant une formation impressionnante, réside dans sa traduction. Malgré l’abondance des effectifs, jamais le caractère massif ne transparaît. Les contrastes ménagés à souhait, la délicatesse des parties confiées au ripieno, la vigueur des rythmes participent au caractère brillant, décoratif voire ostentatoire de cette musique. Il est vrai que Emmanuel Resche-Caserta, violon solo des Arts florissants, nommé récemment professeur de violon baroque à Amsterdam, est orfèvre en la matière. Sa direction, remarquable à plus d’un titre, se double d’un jeu violonistiquet superbe d’aisance et de virtuosité.
Nous ne conservons qu’une faible part des œuvres du plus illustre d’une fratrie de musiciens parmi les plus réputés de son temps, Alessandro Melani : quelques opéras, trois de ses nombreux oratorios, et des œuvres sacrées. De ses 28 cantates, la plus célèbre est « A bella gloria in seno » écrite en l’honneur de Louis XIV, donnée à Rome en 1678, dont le manuscrit est conservé à Venise (Bibl. Querini Stampaglia). Ce n’est pas d’elle dont il est question, puisque le réalisateur de l’enregistrement se fonde sur le livret de la cantate donnée en 1686 – toujours à la gloire du monarque – et, en reconstitue la musique, faute de l’avoir retrouvée. Etrangement, il n’est jamais fait référence à l’ouvrage donné huit ans auparavant. Peu importe.
On ne présente plus Emmanuelle De Negri dont les qualités sont unanimement reconnues. Les récitatifs et trois airs qui lui sont confiés sont très caractérisés, des « Venticelli, che spirate » [vents, qui soupirez], à « Sonora mia tromba » [ma trompette sonore] et à celui qui conclut, c’est un égal bonheur. L’émission claire, la conduite de la ligne comme l’intelligibilité du texte, l’agilité et le caractère réjouissent l’auditeur. On regretterait presque que la réalisation ne nous permette pas de l’écouter davantage.
Ce programme, créé à Versailles en juin 2021, marque la clôture du prochain festival de la Chaise-Dieu, le 28 août, une date à retenir.
Le livret, trilingue, riche en textes documentés comme en illustrations, n’appelle que des éloges. Le texte chanté et ses traductions (française, anglaise et allemande) y est reproduit.