L’Opéra de Saint-Etienne a depuis longtemps prouvé son potentiel de dénicheur de voix. A l’approche des Victoires de la Musique Classique et de leurs révélations, le 1er février prochain, ce billet forme le souhait d’entendre quelques-unes d’entre elles, absentes de la sélection, dans des rôles à leur mesure.
Commençons par la soprano Elodie Hache, découverte successivement dans les rôles de Vitellia (La Clémence de Titus, 2015) et Anna (Nabucco, 2016) à l’Opéra de Saint-Etienne. Prudente et éclairée dans la conduite de sa carrière, cette ancienne pensionnaire de l’Atelier Lyrique de l’Opéra de Paris n’en est pas moins déterminée et farouchement impliquée en scène. Son émission vocale puissante et directe, son intelligence des nuances comme son engagement scénique la destinent incontestablement à des rôles de caractère. Pour l’heure, une Blanche de la Force est prévue pour mars 2017 à l’Opéra de Saint-Etienne (Dialogues des carmélites). Mais l’étendue de sa palette vocale lui permet d’envisager aussi bien Semiramide, dont elle possède la vaillance, ou Violetta (La Traviata), que Chimène (Le Cid) et son sublime « Pleurez mes yeux ».
Entendue successivement à l’Opéra de Saint-Etienne en Flora (La Traviata, 2013) et Fenena (Nabucco, 2016), la mezzo Marie Karall se distingue par la couleur sombre de son timbre hautement dramatique et sa grande implication émotionnelle. Si les héroïnes verdiennes ne manquent pas à son tableau passé et futur, elle confesse son amour pour le répertoire français : Carmen évidemment ainsi qu’un attachement tout particulier pour Charlotte (Werther) et une fascination pour Dalila (Samson et Dalila), dont elle possède incontestablement la stature vocale et l’expressivité.
Découverte en 2016 dans la Messe en ut (Mozart) à l’Opéra de Saint-Etienne, la soprano Olivia Doray nous avait instantanément conquis. Dominant chaque aigu avec une facilité déconcertante, la voix est souple et gracieuse, au besoin blanche ou miroitante. Prête pour Ilia (Idomeneo) et Micaëla (Carmen) la jeune chanteuse est suffisamment aguerrie pour ne pas recueler devant le rôle de Blanche (Dialogues des carmélites).
Elle se dit chanceuse et épanouie dans ses actuels rôles et on ne peut que la croire, car Marie Kalinine est sans conteste une des chanteuses les plus radieuses de sa génération. Chacune de ses apparitions sur scène est un moment d’immense générosité et de belle communion avec la salle. En Anita (La Navarraise, 2011) et Santuzza (Cavalleria Rusticana, 2011) elle faisait une double performance très remarquée à l’Opéra de Saint-Etienne, théâtre qu’elle a depuis retrouvé pour de nombreux rôles, parmi lesquels une Charlotte (Werther, 2013) criante d’amour, de désespoir et d’abnégation. Souhaitons-lui seulement de retrouver ce rôle sur mesure, autant que Margared (Le Roi d’Ys), une autre héroïne toute « kalinienne » par sa flamboyance dramatique.
Enfin, nous ne saurions conclure ce bref passage en revue sans évoquer la si délicate Khatouna Gadelia. En 2010, Saint-Etienne lui confiait sa première Mimi (La Bohème). Outre un somptueux « Mi chiamano Mimi » et un bouleversant « Donde lieta », jamais nous n’oublierons les accents profonds et enveloppants du duo formé avec Marcello au 3e acte. Le charisme naturel, doublé d’un magnétisme bien slave par ses origines, et d’une malice toute enfantine, faisait de la soprano une Mimi d’une troublante sincérité. Le timbre racé et chaleureux, le vibrato élégant, la solide technique au service d’une expressivité à fleur de peau, rendaient à Puccini des honneurs qui mériteraient d’être renouvelés. Les 8 et 10 janvier derniers, elle baignait de lumière le Grand Théâtre Massenet dans le Requiem de Mozart, et nous confiait se préparer pour Susanna (Le nozze di Figaro). Quant à nous, nous brûlons d’impatience de réentendre sa Mimi, de la découvrir en Juliette (Roméo et Juliette, Gounod) ou Tatiana (Eugène Onéguine) avec laquelle elle partage une même langue maternelle.
A bon entendeur !