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Cinq clés pour Giuditta de Franz Lehár

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Actualité
16 avril 2025
(Fausse) comédie en musique, Giuditta, à l’affiche de l’Opéra national du Rhin du 11 mai au 3 juin, fait l’objet d’un nouveau – et ultime ? – numéro de l’Avant-Scène Opéra.

Infos sur l’œuvre

Détails

Franz LEHÁR, Giuditta

L’Avant-Scène Opéra n°345

SOMMAIRE

L’OEUVRE

  • POINTS DE REPÈRES
  • ARGUMENT par Iseult Andreani
  • INTRODUCTION ET GUIDE D’ÉCOUTE par Hélène Cao
  • LIVRET INTÉGRAL ORIGINAL par Fritz Löhner-Beda et PaulKnepler
  • ADAPTATION FRANÇAISE par André Mauprey

REGARDS SUR L’OEUVRE

  • CHANSONNIERS ET LIBRETTISTES par Barbara Denscher
  • LES VOIX DU SUCCÈS, LES ROUTES DE L’EXIL par ChristopheCapacci
  • TRADITION VIENNOISE, RECETTES MODERNES par Marie-TheresArnbom
  • RADIOGRAPHIE HISTORIQUE D’UN CHEF-D’OEUVRE par DidierFrancfort

ÉCOUTER, VOIR ET LIRE

  • DISCOGRAPHIE par Louis Bilodeau
  • VIDÉOGRAPHIE par Louis Bilodeau
  • L’OEUVRE À L’AFFICHE par Aurianne Bec
  • BIBLIOGRAPHIE par Aurianne Bec

Prix : 28 €
978-2-84385-697-6

Chant du cygne de Franz Lehár dans une Europe au bord du gouffre, Giuditta après des débuts remarqués ne reste aujourd’hui dans notre mémoire que par la volupté de « Meine Lippen, sie küssen so heiß », aria di baule pour soprano à la voix glamoureuse. Paris, Londres, New York n’ont encore jamais porté l’ouvrage à l’affiche. Son ambiguïté, son vague-à-l’âme le placent à part dans l’œuvre du compositeur autrichien, davantage réputé pour l’alacrité de ses partitions que pour leur sehnsucht.

1. Opéra ou opérette ?
Créée en 1934 au Staatsoper de Vienne, Giuditta est souvent considérée comme l’œuvre la plus ambitieuse de Franz Lehár. « Jamais une œuvre de “musique légère” n’avait été créé auparavant dans ce théâtre dédié aux œuvres “nobles” », raconte Hélène Cao dans l’Avant-Scène Opéra. Est-ce la raison pour laquelle Lehár, malgré l’usage de récitatifs parlés, la qualifiait lui-même d « opéra » plutôt que d’ « opérette » ? La question, toujours selon Hélène Cao, agita la presse avant même la création de l’œuvre. A l’âge de 64 ans, le compositeur avait atteint une notoriété internationale. Depuis le triomphe de La Veuve joyeuse en 1905, sa musique, mélange habile de valse et d’influences plus modernes, se posait en référence d’un genre alors à son apogée : l’opérette viennoise. C’est dire s’il était attendu au tournant. Retransmise en direct par cent vingt radios dans le monde – ce qui donne lieu dans l’Avant-Scène à une étude de Didier Francfort –, la première de Giuditta fut un succès. Plusieurs mélodies, notamment celles chantées par Richard Tauber – le créateur d’Octavio (voir plus loin) – séduisirent immédiatement le public. Pourtant, l’œuvre ne connut pas une longévité comparable aux grands hits de Lehár. La critique fut partagée. Certains saluèrent la tentative de rapprocher l’opérette de l’opéra, avec une orchestration plus riche et une intrigue plus dramatique. Inversement, d’autres reprochèrent à l’ouvrage sa nature hybride. Après cette consécration, Lehár arrêta de composer.

2. L’ultime partition de Franz Lehár
Le silence de Lehár, au sommet de sa gloire, est-il dû à son incapacité de poursuivre la fusion des genres, comme le suggère Hélène Cao ? Ou au déclin de l’opérette viennoise, désormais supplantée par le cinéma parlant, le jazz et les comédies musicales américaines ? La période des années 1930 troublée par la montée du nazisme et la Seconde Guerre mondiale était peu propice au divertissement. Franz Lehár entretint une relation complexe avec le régime hitlérien. Bien qu’il ne fût pas un sympathisant actif, son œuvre, notamment La Veuve joyeuse, très appréciée par Hitler et Goebbels fut utilisée à des fins de propagande. La judéité de son épouse, Sophie Paschkis, le plaçait dans une situation délicate qui explique l’ambiguïté de sa position vis-à-vis du pouvoir en place. Franz Lehár vécut les dernières années de sa vie dans une relative discrétion, loin de l’effervescence des grandes scènes musicales. Son décès, le 24 octobre 1948, à l’âge de 78 ans, tira un trait définitif sur le genre de l’opérette viennoise, à la légèreté désormais malvenue dans une Europe ravagée.

3. Une sombre histoire
Contrairement aux œuvres qui ont fait la renommée de Lehár, La Veuve joyeuse en tête, Giuditta adopte un ton plus sombre. Le sehnsucht – terme allemand mot sans équivalent français désignant une nostalgie intense, un désir profond et inassouvi pour quelque chose d’inaccessible ou de lointain – irrigue l’ensemble de l’œuvre. Dans les années 1930, Giuditta, une jeune femme mariée à un homme plus âgé, s’ennuie et rêve de liberté. Lorsqu’elle rencontre Octavio, un jeune officier, c’est le coup de foudre. Les deux amants s’enfuient en Afrique du Nord. Dans leur villa en bord de mer, le bonheur semble parfait, mais Octavio reçoit ses ordres de marche. Ecartelé entre honneur et passion, il finit par choisir son devoir et s’éloigne. Désespérée, Giuditta trouve un emploi de danseuse de cabaret où elle multiplie les conquêtes. Bien qu’ayant abandonné l’armée, Octavio perd tout espoir de la reconquérir. Cinq ans plus tard, devenu pianiste dans un hôtel européen, il recroise Giuditta, plus femme fatale que jamais. Elle veut raviver leur amour, mais Octavio, blasé et brisé, la repousse définitivement. Inspirée de Morocco, le fim de Joseph Sternberg (1930), Giuditta, avec sa fin désenchantée, n’est pas sans évoquer La rondine de Puccini, grand ami de Lehár, d’autant que les deux amants, sont flanqués d’un couple bouffe, Pierrino et Anita, comme Magda et Ruggero chez Puccini.

4. Luxe orchestral et volupté mélodique
Puccini influence aussi l’écriture de Giuditta, entre moments intimistes et envolées lyriques. L’exotisme des lieux de l’action – ce qu’Hélène Cao appelle à juste titre « une vision érotisée des colonies » – favorise une orchestration luxuriante, usant d’un orchestre aux bois par trois et d’un riche pupitre de percussions. Au mépris de toute vraisemblance musicale, la musique lorsqu’elle consent à ne pas valser, lorgne davantage vers la tradition espagnole ou tsigane que vers l’Orient, même fantasmé. Comme toujours chez Lehár les mélodies envoûtent, à commencer par le volupteux « Meine Lippen, sie küssen so heiß », véritable tube du répertoire lyrique qu’il faut avoir vu et entendu chanter par Anna Netrebko pour en mesurer l’irrésistible pouvoir de séduction, et « Freunde, das Leben ist lebenswert », un des ultimes Tauberlieder offert par Franz Lehár à son ténor de prédilection, Richard Tauber.

5. Richard Tauber, la vraie voix du sehnsucht
Né à Linz en Autriche le 16 mai 1891, Richard Tauber eut bien du mal à convaincre ses professeurs de sa vocation de chanteur, peut-être parce qu’il s’acharnait à vouloir inscrire Wagner à son répertoire quand sa voix, légère, le prédisposait davantage à Mozart. Tamino est d’ailleurs un des premiers rôles qu’il interpréta sur scène en 1913 et c’est avec Don Ottavio qu’il fit ses débuts à Salzbourg en 1922. La rencontre avec Franz Lehár en 1920 est déterminante. Après avoir chanté Zigeunerliebe à Linz et Berlin, il se voit offrir en 1922 le rôle d’Armand dans la nouvelle opérette du compositeur viennois, Frasquita, d’après La Femme et le Pantin de Pierre Louys. Commence alors une collaboration qui cumule les succès : Paganini (1925, que Tauber chante pour la première fois à Berlin en 1926), Der Zarewitsch (1927), Friederike (1928), Das Land des Lächelns (1929) qu’il interprètera plus de 700 fois, Schön ist die Welt (1930) et enfin Giuditta (1934). Dans chacune de ces œuvres, Franz Lehár prévoit un ou plusieurs airs destinés à mettre en valeur la voix de son chanteur fétiche. Baptisés « Tauberlieder », ces airs – au nombre de quatre dans Giuditta – contribuent à accroître la popularité du ténor qui multiplie alors les engagements, sur scène mais aussi au cinéma (Ich küsse ihre hand, Madame en 1929 avec Marlene Dietrich). Il enregistre des disques (plus de 400 !), compose des opérettes et des musiques de film. Avec ses tenues élégantes, son chapeau haut de forme et son strabisme à l’œil droit qu’il dissimule derrière un monocle, il représente alors l’archétype du charme viennois. 1938 sonne le glas de cet âge d’or. Obligé par ses origines juives de quitter l’Autriche, Richard Tauber se réfugie à Londres où il vit durant les années de guerre, chantant, dirigeant, enregistrant, composant afin d’assurer sa subsistance. Le 27 septembre 1947, en Don Ottavio sur la scène du Royal Opera House, il stupéfait public et critique par sa maîtrise intacte du souffle et de la ligne. Une semaine après, il entre au Guy’s Hospital pour subir une ablation du poumon. Trop tard : il meurt le 8 janvier 1948, quelques mois avant Franz Lehár. L’écoute de son enregistrement d’extraits de Giuditta dirigés par le compositeur lui-même au lendemain de la création de l’œuvre offre un aperçu de son génie artistique. Dans la discographie de l’Avant-Scène Opéra, Louis Bilodeau admire justement sa maîtrise du sehnsucht, « cette douleur d’un amour impossible qu’il traduit avec une éloquence exceptionnelle et que l’on cherchera en vain chez ses successeurs ».

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