Si l’on traçait l’arbre généalogique des ténors du début du XXe siècle à nos jours, alors une branche relierait sans aucun doute Celso Albelo à Alfredo Kraus. Même port de voix, même lumière, même répertoire… Ceux qui ont découvert le jeune chanteur espagnol en duc de Mantoue à Monte-Carlo au printemps dernier, misent déjà gros sur son nom. Première rencontre en cinq questions avec un ténor dont on n’a pas fini de parler.
Quel rapport entre vous et Alfredo Kraus ?
Pour moi Alfredo Kraus est une référence absolue : sa manière de gérer sa carrière, sa voix, le choix du répertoire mais aussi le style et la technique. En plus, nous sommes nés l’un et l’autre aux Canaries, lui à Las Palmas et moi à Tenerife.
Vous avez étudié avec Carlo Bergonzi. Que vous a-t-il appris ?
Je pense que le maestro Bergonzi m’a enseigné la morbidezza et une manière d’apprécier les mots chantés que je n’avais pas avant de travailler avec lui. J’ai appris des trucs et des mécanismes qui m’aident aujourd’hui à interpréter certains rôles. Ce mois d’étude auprès de lui a été très intensif. Nous avions des leçons pratiquement tous les jours où technique et style alternaient avec récits d’expérience et anecdotes.
Pour le moment, votre répertoire se situe quelque part en Italie entre 1825 et 1850…
Bien que j’aie aussi chanté des œuvres de Bizet (Les Pêcheurs de Perles), Halévy (La Juive) et Delibes (Lakmé) dans lesquelles je me sens parfaitement à l’aise, je crois fermement que le répertoire italien entre 1825 et 1845 est celui qui aujourd’hui me convient le mieux, particulièrement Bellini et Donizetti. Mais il faut être conscient que toute voix évolue et je dois trouver le temps d’approcher d’autres compositeurs – Massenet, Gounod – et d’autres œuvres comme Werther ou Les contes d’Hoffmann. Le plus important, en ce moment, est d’élargir mon répertoire mais, là encore, c’est la voix qui commande.
Le suraigu ne semble pas vous effrayer…
Il y a toujours une part de risque quand vous chantez une note aigue mais je suis convaincu que ce type de notes représente l’aboutissement d’un travail réalisé au préalable. La façon dont vous réussissez plus ou moins un suraigu dépend de la manière dont vous avez résolu auparavant, durant le spectacle, certaines difficultés vocales. Le chant est un mélange de legato, de forte, de piano, de clairs-obscurs, de passage et de notes aigues. Le contre Fa des Puritani vient après un troisième acte entier où vous avez eu à composer avec l’ensemble de ces éléments. La note résulte d’un tour de force. Elle est effectivement très élevée mais l’important selon moi n’est pas la note seule, il faut la comprendre dans son contexte.
Où aller les prochains mois pour vous applaudir ?
En novembre à Londres dans La Sonnambula pour mes débuts à Covent Garden.
Propos recueillis par Christophe Rizoud
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