Distingué par de nombreux prix (notamment le South Bank Show Award pour Peter Grimes et l’Olivier Award pour Jenůfa, l’un et l’autre à l’Opéra National d’Angleterre), le metteur en scène britannique David Alden débarque en France avec une nouvelle production d’Alcina, présentée du 2 au 13 mai prochains à Bordeaux. Cela mérite bien cinq questions, non ?
Vous n’en êtes pas à votre première Alcina…
Effectivement. La première Alcina que j’ai mise en scène était spécialement adaptée à la scène berlinoise, avec une vision plus « sale », une autre esthétique. Et puis j’ai visité le Grand-Théâtre de Bordeaux qui est parfaitement adapté à la musique de Haendel et exige quelque chose de plus élégant, de plus chic, de moins « allemand ». Mais mon idée de base est demeurée la même : la magicienne Alcina a créé une île imaginaire pour ses amants. Ruggiero qui doit épouser Bradamante, n’est pas très heureux de sa vie « trop normale ». Pour conjurer son ennui, il va chaque jour dans un théâtre désaffecté où il rêve et voit apparaître Alcina, une enchanteresse qui, dans son imagination, serait une chanteuse. Sont également présents dans ce théâtre imaginaire Morgana, sœur d’Alcina, et son amant Oronte. Ils en sont les ouvreurs, mais se produisent également sur la scène de ce théâtre abandonné sur l’île d’Alcina. Tout irait bien pour Ruggiero si sa fiancée n’arrivait accompagnée de son vieux professeur, persuadé que le jeune homme est en pleine psychose et qu’il faut le ramener vers la vie normale. Commence alors la lutte entre son imagination et ces gens qui représentent la réalité.
D’où vous est venu cette idée ?
Du film de Woody Allen La rose pourpre du Caire où l’interprète du film, Mia Farrow, très malheureuse en mariage, va chaque jour voir le même film. Les acteurs finissent par sortir de l’écran et lui parlent…
Vous demandez beaucoup aux artistes que vous dirigez ?
Je leur demande tout ! De chanter, danser, jouer la comédie. Aujourd’hui, les artistes sont préparés à cela et peuvent tout faire. Isabel Leonard qui interprète Ruggiero voulait être danseuse, Anna Christy a également étudié la danse. Ce cast au choix duquel j’ai contribué ne compte que les artistes que je connaissais déjà et dont je savais qu’ils sauraient s’engager dans une mise en scène très physique.
Et Elza van den Heever en Alcina ?
Superbe ! Elza van den Heever bouge très bien, avec beaucoup d’élégance. Elle a la personnalité qui convient. Sa voix est exceptionnelle. L’on sent déjà clairement que dans le futur elle sera un magnifique Fidelio, une parfaite Brunnhilde. Jamais je n’ai connu une artiste qui ait une telle force vocale et puisse cependant interpréter Haendel avec nuances et dynamisme.
Vous venez aussi de monter Deidamia en février dernier pour le Nederlandse Opera.
Cet opéra, qui est le dernier que Haendel ait composé, est quasiment inconnu et c’est le 8e opéra de ce compositeur que je monte. Il en a écrit plus de quarante et vingt d’entre eux sont superbes, musique et livret. J’avance lentement dans la liste de ses compositions mais j’adore son œuvre dramatique. Il est véritablement pour moi le plus grand dans l’histoire de la scène lyrique, aussi intéressant que Mozart.
Propos recueillis par Noëlle Arnault et adaptés par Christophe Rizoud
David Alden © DR