Dans la mise en scène puissante et sans concession de Silvia Paoli, il incarne de sa haute et imposante stature un Scarpia plus monstrueux que jamais. Un personnage emblématique de son époque, qui cristallise aussi en lui toutes les déviances dénoncées de notre temps. Un personnage qui a valu à l’artiste les sifflets de quelques spectateurs, soulignant le réalisme cru d’une incarnation réussie. Entretien expresse avec un artiste sensible, paisible, et solitaire, selon ses propres termes, qui sait aussi magistralement donner corps aux salauds impitoyables.
Comment avez-vous abordé Scarpia dans une mise en scène aussi radicale que celle de Silvia Paoli?
Scarpia est un rôle que je joue depuis 2004, il m’a accompagné tout au long de ma carrière et j’espère qu’il continuera encore longtemps à être un de mes personnages phares. La mise en scène de Silvia Paoli est en effet très radicale et met en exergue le caractère sadique et pervers de Scarpia. il m’a fallu plonger dans ses instincts prédateurs et malades les plus noirs. Nous avons fait un long travail préparatoire qui a abouti au Scarpia que je joue dans cette production, et je l’espère de manière digne. Le génie de cette mise en scène réside dans la recherche et l’exploration des instincts humains les plus sombres, les plus vils. C’est un travail, ou plutôt un voyage au plus profond de l’être, passionnant à faire.
Hier, quelques spectateurs ont hué le personnage de Scarpia. Comment percevez-vous le changement de mentalité du public et l’influence d’enjeux sociaux majeurs (en l’occurrence les violences faites aux femmes) sur la démarche artistique ?
Il est normal qu’un personnage aussi extrême que Scarpia peut l’être dans cette production, suscite des sentiments forts d’aversion. Personnellement, je n’ai pas prêté attention aux sifflets mais si cela est, c’est la confirmation d’un travail d’étude et de dramaturgie réussi à l’aune du contexte présent. Les temps actuels ne sont pas différents de ce que l’on sait des temps passés. Nous vivons seulement une époque beaucoup plus informée et donc avec une prise de conscience accrue et cela fait peur aussi.
Vous semblez aimer incarner des personnages sombres et dominateurs tel que Pizarro dans Fidelio…
Oui, Pizarro était certainement un personnage extra féroce caractérisé par un maquillage très effrayant. Mais c’était la première fois que je chantais en allemand et cela a certainement centré mon interprétation davantage sur le texte et moins sur le personnage pourtant au mieux de mes capacités d’incarnation. Je me définis comme un homme très bon, sensible et solitaire, mais j’avoue que même pour une courte période, c’est vraiment amusant et libérateur d’être un être impitoyable et méchant dans la fiction scénique. C’est peut-être pour ça que j’aime les personnages négatifs. J’aime aussi les personnages brillants. Avant de commencer cette Tosca à Angers, j’étais en Allemagne avec Falstaff qui porte une toute autre histoire et ce fut une belle production et une grande satisfaction personnelle pour moi.
Vous chantez souvent en France. Aimeriez-vous davantage vous illustrer dans le répertoire français ?
Oui j’aimerais beaucoup. Je reprendrai volontiers mon Guillaume Tell Rossinien et je serais honoré de chanter Valentin du Faust de Gounod et Zurga des Pêcheurs de perles de Bizet.
Quels sont les prochains engagements qui vous tiennent le plus à cœur ?
Après cette Tosca, je chanterai de nouveau dans La forza del destino à Montpellier puis à Toulon à la rentrée et ce sera ensuite Nabucco en Allemagne à la fin de l’année. De très belles perspectives.