Pour célébrer la fête de la musique, quoi de mieux qu’un concert avec Plácido Domingo ?
C’est assurément ce qu’ont pensé les spectateurs qui sont venus nombreux, salle Gaveau, pour applaudir le ténor espagnol accompagné de Maria José Siri qui remplaçait Saoia Hernandez, initialement prévue. Le programme offrait un panel d’airs et de duos d’opéras italiens de Giordano et de Verdi ainsi qu’une incursion dans le répertoire français avec Hamlet.
A son arrivée sur le plateau, Placido Domingo est accueilli par une longue ovation de la part d’un public ému, heureux de témoigner sa reconnaissance envers un artiste qui chante et enchante les théâtres du monde entier depuis près de soixante ans d’une carrière pléthorique, jalonnée de triomphes. Le ténor, désormais reconverti en baryton, s’offre un tour de chauffe avec l’air de Charles-Gérard dans Andrea Chénier, « Nemico della patria », où la voix, hésitante au début, trouve rapidement ses marques au fur et à mesure que l’air progresse, pour s’imposer finalement avec une autorité sans faille. Si l’on songe que cet homme a fêté ses quatre-vingts ans en janvier dernier, on reste pantois devant la richesse de ce timbre inaltéré et la largeur du medium qui sonne avec éclat et une justesse irréprochable. Il faut dire que Placido Domingo porte beau, c’est à peine si sa démarche, un peu moins assurée qu’autrefois et un dos à peine voûté trahissent le passage des ans, mais il a gardé intacts son regard malicieux et ce sourire ravageur qui fait son charme. Le duo de La Traviata le montre ensuite sous son meilleur jour, il campe avec conviction ce père inflexible et rigide et parvient à s’imposer face au torrent de décibels émis par sa partenaire. En fin de programme, le duo du dernier acte du Trouvère est du même tonneau, la voix ample et stable évoque avec conviction les affres de cet amoureux transi qui joue ses dernières cartes. Entretemps il nous aura offert un air poignant d’Hamlet, dans un français tout à fait intelligible, longuement applaudi par le public.
Trois bis dédiés à la zarzuela prolongent la soirée, un duo et un air pour chacun des interprètes. Placido a choisi pour sa part l’incontournable « Non Puede ser » qu’il interprète avec la même fougue qu’en 1990 lors du concert des trois ténors et une voix presque inchangée.
La soirée s’achève avec un touchant duo de La Veuve joyeuse au cours duquel, tel un jeune homme sémillant, Domingo esquisse un pas de danse avec sa partenaire. Plus encore qu’une leçon de chant, c’est une leçon de vie qu’il nous aura donné ce soir. Le public ne s’y trompe pas qui lui offre ainsi qu’à ses partenaires une ovation debout sans fin.
A ses côtés, María José Siri ne démérite pas. La soprano d’origine uruguayenne a pour elle un timbre chaud et une voix puissante au registre aigu insolent. Si son chant n’est pas toujours d’un raffinement exemplaire, il n’en demeure pas moins efficace. Les tourments de Violetta, on l’a dit, s’accordent mal avec l’ampleur des moyens et la santé vocale de la cantatrice qui fait pourtant de louables efforts pour être convaincante. L’air de Maddalena dans Andrea Chénier ,où sa voix peut se déployer librement, la trouve bien plus à son affaire. Sa Leonora du Trouvère enfin est tout à fait idoine, elle déploie dans l’aria un legato et quelques nuances bienvenues et se tire avec brio de la cabalette et ses ornementations. Dans le duo elle affronte son partenaire avec l’énergie du désespoir, tous deux offrent une interprétation captivante de cette page.
A la tête de l’ensemble Appassionato qu’il a créé en 2015, Mathieu Herzog propose une direction souple et précise, toujours à l’écoute des chanteurs, en particulier Domingo qu’il couve du regard, prêt à le soutenir à la première défaillance. On oubliera son ouverture des Vêpres siciliennes un peu trop clinquante pour retenir l’efficience de sa battue, notamment dans les autres pages de Verdi.