Depuis l’affaire Zeffirelli, Daniela Dessi sort ses griffes, et ses plus belles robes. Afin de montrer qu’elle est non seulement une cantatrice, et l’une des rares à défendre aujourd’hui le grand répertoire italien, mais aussi une femme séduisante qui ne s’en laisse pas compter. Plus Tosca, l’un de ses rôles favoris, que Liu, s’il faut lui trouver un modèle parmi les héroïnes de Puccini dont elle vient d’enregistrer les plus beaux airs chez Decca1. Mise au point.
Beaucoup de sopranos d’hier et d’aujourd’hui ont enregistré les grands airs des opéras de Puccini. Que pensez-vous apporter de plus ?
Je chante des opéras de Puccini depuis plus de 15 ans maintenant et je les ai chantés dans les théâtres les plus importants du Monde. J’ai été aussi récompensée par le prix Puccini au Festival de Torre del Lago et j’ai enregistré plusieurs de ses œuvres. Dès le départ, j’ai toujours voulu chanter ce répertoire avec la ferme intention de retourner à sa vraie nature musicale, parce que les opéras de Puccini ont été interprétés pendant longtemps de manière infidèle, parfois même vulgaire, sans respecter la dynamique musicale qui est si importante et si constante dans ses partitions. De plus, je me sens très proche de ces héroïnes théâtralement parlant. C’est pourquoi j’ai décidé d’approfondir la manière dont les chefs d’œuvre de Puccini sont nés.
Votre référence en matière de chant puccinien ?
Ma seule vraie référence est Puccini, et sa musique.
Quelle différence faites-vous entre Puccini et le répertoire vériste
Puccini est un compositeur unique. Il a créé sa propre – et inimitable – forme musicale et ce, même quand il appartenait à ce qu’on a appelé la Giovane Scola (les compositeurs d’opéra italien entre la fin du 19e siècle et le début du 20e). A ses côtés figuraient alors Mascagni, Leoncavallo, Giordano, Alfredo Catalani, Cilea, etc. Il est important de ne pas regrouper tous ces compositeurs sous l’étiquette vériste. En fait, seulement certaines de leurs oeuvres relèvent de l’esthétique vériste. Même s’il y a des similitudes chronologiques entre Puccini et le vérisme, chanter la musique de Puccini, c’est comme vivre dans un autre monde, un monde empli de sentiments et de couleurs.
Et Verdi par rapport à Puccini ?
Verdi et Puccini sont totalement différents. Puccini est plein d’émotions, de sentiments tandis que Verdi représente l’esprit italien et l’héroïsme vocal.
Parmi toutes les héroïnes pucciniennes, avez-vous une préférence ?
Evidemment. La figure la plus marquante est selon moi celle de Tosca. Son tempérament est très proche du mien, et sa vocalité aussi, bien sûr. Elle est passionnée, forte et en même temps humaine et fragile. Vocalement, il s’agit d’une de mes meilleures interprétations, avec Butterfly.
Vous formez avec Fabio Armiliato un couple à la ville mais aussi sur scène. Choisissez-vous vraiment comme on le dit vos rôles et les dates de vos représentations en fonction des siennes ?
Quand nous chantons ensemble, nous décidons ensemble quel opéra est le meilleur pour notre voix. Heureusement nous partageons une bonne partie de notre répertoire, ce qui rend les choses faciles !
Vous ne chantez que des opéras italiens. C’est un choix ?
J’ai chanté le répertoire français quand j’étais plus jeune parce qu’il était meilleur pour ma voix à ce moment là. Par exemple : Carmen, Faust, Manon. Aujourd’hui, le répertoire italien est celui où mes caractéristiques vocales peuvent s’exprimer le mieux. Parfois cependant je me prends à songer au répertoire Allemand : Lohengrin, Salomé, Der Rosenkavalier. Je suis aussi très intéressée par l’opéra russe : Eugène Onéguine, La Dame de Pique…
Pourquoi chantez-vous rarement en France, à Paris en particulier ?
J’aimerais vraiment chanter à Paris mais on ne m’en a pas encore offert l’opportunité. C’est à l’Opéra de Paris qu’il faudrait poser cette question. L’année dernière j’ai chanté à Monte-Carlo et l’année prochaine, j’interprèterai Paolina de Poliuto à Marseille. J’attends ce moment avec impatience !
Et vos démêlés avec Franco Zeffirelli2 ?
D’aussi loin que je me souvienne, ce qui est arrivé avec Franco Zeffirelli est l’un des coups les plus bas de l’histoire de l’opéra aujourd’hui. Etre traitée de cette manière par quelqu’un qui devrait montrer un minimum de respect envers une artiste qui représente l’école lyrique italienne dans le Monde est très triste. Triste pour moi et aussi pour le public qui a acheté des billets pour cette Traviata parce qu’il y avait mon nom sur l’affiche. Offensant et décevant donc. Et tout ça pour une lubie, un prétexte, car je n’ai jamais été grosse. Quoi qu’il en soit, le problème vient non seulement des metteurs en scène qui ont de plus en plus de pouvoir mais aussi de la direction des théâtres qui tolère ce genre de comportement.
Vos prochains défis ?
Il y a mon retour au Met avec Tosca en mai, puis Tokyo, Madrid, Séville, Athènes et Gênes. Cette année va aussi être marquée par une prise de rôle importante au Festival de Parme. J’interprèterai Elena dans I Vespri Siciliani au Teatro Regio, un opéra très difficile pour une soprano.
Propos recueillies par Christophe Rizoud
1 Puccini arias (Decca). A signaler aussi la parution récente en DVD (Arthaus Musik) de La Fanciullia del West enregistrée en 2005 à Torre del Lago.
2 Voir la brève du 11 janvier 2010