Il n’y a pas que Paris dans la vie, il y a aussi Massy. Quelques semaines après la série parisienne du Fliegende Holländer, le seul opéra de la région parisienne au-delà du périph’ programme la même oeuvre de Wagner. Si la comparaison s’impose, la balance penche du côté de la petite structure tant les deux représentations massicoises placent la barre haut.
Tout d’abord grâce à l’Orchestre national d’Ile-de-France qui rappelle, s’il en était encore besoin, son excellence, cuivre et petite harmonie en tête. Certes, l’on sent bien que Case Scaglione cherche encore pendant l’ouverture à relier chaque pupitre épars dans un tout équilibré et dynamique. C’est chose faite dès les premières scènes, avec l’allant et le travail dans les détails nécessaires à ce théâtre musical épique. On est loin de la routine qui peut gagner certaines soirées de répertoire. De même pour les chœurs d’Angers-Nantes Opéra et de l’Opéra de Massy qui brillent par leur engagement, leur fraîcheur et leur collectif sans faille dans une œuvre qui les sollicite plus souvent qu’à leur tour.
La production de Charles Roubaud y participe aussi. Elle fait le choix d’un décor scénique unique qui limite les possibilités sténographiques du fait du monolithe dressé en son centre. Cette structure massive est le réceptacle de vidéos de bonnes factures qui transportent l’action de lieu en lieu : falaise, vaisseau fantôme, ou épave échouée sur la scène… quelques topos manquent toutefois (la maison, le lieu de la fête), ce qui peut parasiter la lecture. Les autres vidéos de fond de scène sont en revanche moins réussies. La mer calme ou agitée ressemble plus aux images de synthèse d’un jeu vidéo du tournant des années 2000. Cela n’obère en rien la qualité de la direction d’acteur traitée avec sobriété comme un huis clos où l’économie de mouvements et de postures, les regards suffisent à créer la tension.
© Cyril Cosson
Enfin, ces deux représentations brillent par la qualité de la distribution wagnérienne réunie, qui n’a rien à envier à d’autres salles. Quatre chanteurs français (sur six personnages) la composent. Marie-Ange Todorovich use du grain cuivré de sa voix pour imposer une Mary matrone. Christophe Berry (le Pilote) dispose de la puissance, de l’aisance et de la lumière nécéssaire pour rendre crédible son personnage d’étourdi romantique. Ewandro Stenzowski, n’a pas tout à fait les mêmes ressources mais son timbre clair, son phrasé élégant et son endurance lui permettent de rendre justice à l’héroïsme d’Erik. Les clés de fa apportent toutes satisfactions. Mischa Schelomianski fait apparaitre toutes les similitudes comiques entre Daland et le Rocco de Fidelio. Le grave est peut-être moins nourri que l’on aimerait mais la probité du chant emporte toutes les réserves. Dans le rôle titre, Nicolas Cavallier convainc grâce à son endurance, au mordant de ses attaques et aux couleurs dont il sait agrémenter son chant. Voilà un Hollandais qui suscite de l’empathie et non juste de la terreur. Enfin, ultime française de la distribution, Catherine Hunold s’impose une fois de plus comme une excellente wagnérienne de notre époque, capable de plier une voix torrentielle aux charmes et raffinements de la balade comme aux accents et aigus les plus assassins. Le portrait de la jeune rêveuse, éprise puis combative, est porté tant par les qualités vocales et interprétatives que par une présence scénique évidente, qui brille par une sobriété bienvenue. On n’a de cesse d’écrire que les Opéras français seraient bien inspirés de lui offrir, dès que faire se peut, ces rôles dramatiques du maître de Bayreuth où à chaque fois elle excelle.