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Discographie amoureuse de José van Dam

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Actualité
27 mai 2010

Infos sur l’œuvre

Détails

 « La seule chose qui manque à ma discographie est le rôle du Don Juan de Mozart » confiait en décembre 2000 José van Dam à La Scena Musicale avant d’ajouter «  il y a déjà tellement d’enregistrements ». Effectivement, plus de 140, si l’on en croit le même article. Parmi l’abondance des propositions, notre choix ira en priorité vers l’opéra français où l’élocution et la probité de José van Dam font merveille, sans négliger pour autant le reste du répertoire, le plus difficile étant de faire un choix. Sélection partielle et partiale.

 

Hector Berlioz : La Damnation de Faust – Kenneth Riegel (Faust), Federica Von Stade (Marguerite), José van Dam (Méphistophélès) – Chicago Symphony Orchestra, dir. Georg Solti (Decca)

Pourquoi diable faut-il que cette Damnation pâtisse d’un Faust et d’une Marguerite de deuxième catégorie quand le diable, justement, est chanté par José van Dam, dont on préférera cette interprétation, enregistrée en1981, à celle plus récente (1994) dirigée par Kent Nagano pour Erato. Méphistophélès est assurément un de ses meilleurs rôles, en tout cas l’un de ceux dans lequel il peut le mieux conjuguer les talents de l’acteur avec la science du chanteur. La séduction du timbre achève de composer un portrait que la direction étincelante de Sir Georg Solti rend incomparable. 

Georges Bizet : Carmen – Tatiana Troyanos (Carmen), Placido Domingo (Don José), José van Dam (Escamillo), Kiri Te Kanawa (Micaëla), Orchestre Philharmonique de Londres, dir. Georg Solti (Decca)

On aurait pu craindre que l’intelligence du chant d’un José van Dam au sommet de ses moyens (l’enregistrement date de 1975) ne se dissipe dans le rôle d’Escamillo, fier-à-bras dont le moins qu’on puisse dire est qu’il n’a pas inventé la poudre. Au contraire, le chanteur donne au toréador un maintien qu’on cherchera en vain ailleurs. Malheureusement, les voix réunies autour de lui, superbes au demeurant, ne présentent pas les mêmes qualités de diction, d’autant qu’il s’agit de la version avec dialogues parlés. La direction de Georg Solti s’avère comme toujours irréprochable. 

Gustave Charpentier : Louise – Beverly Sills (Louise), Nicolai Gedda (Julien), Mignon Dunn (La mère), José van Dam (Le père) – Orchestre de l’Opéra de Paris, dir. Julius Rudel (EMI)

Encore un enregistrement dont José van Dam fait le prix, n’était la direction de Julius Rudel remarquable de raffinement. En 1977, Beverly Sills (Louise de douze années plus âgée que son père !) et Nicolai Gedda commencent d’accuser le coup en jeune couple libertaire. A l’inverse, le rôle du père de Louise semble avoir été taillé sur mesure pour le baryton-basse belge dont la voix se régale de « cette ligne de chant typiquement française qui survit encore dans le Saint François d’Assise de Messiaen »1

1 José van Dam dans Le Figaro, 2007

Claude Debussy : Pelléas et Mélisande – Richard Stilwell (Pelléas), FredericaVon Stade (Mélisande), José van Dam (Golaud), Ruggero Raimondi (Arkel), Nadine Denize (Geneviève), Christine Barbaux (Yniold) – Orchestre Philharmonique de Berlin, dir. Herbert Von Karajan (EMI)

Dans une discographie qui ne manque pas de références, cette version de Pelléas et Mélisande retiendra l’attention de ceux qui préfèrent l’orchestre aux voix car Herbert Von Karajan, omniprésent, tire les ficelles du drame. C’est une nouvelle fois par l’excellence de l’élocution française que José van Dam prend le pas sur les autres chanteurs, au point qu’ainsi interprété, le drame lyrique de Debussy pourrait tout aussi bien s’intituler Golaud.

 

Léo Délibes : Lakmé – Natalie Dessay (Lakmé), Gregory Kunde (Gérald), José van Dam (Nilakhanta), Delphine Haidan (Malika) – Orchestre du Capitole de Toulouse, dir. Michel Plasson (EMI)

Une fois n’est pas coutume, ce n’est pas José van Dam qu’on mettra en avant dans cette version de Lakmé, enregistrée en 1998, mais plutôt Natalie Dessay et Michel Plasson, l’une incroyable de vérité dans un rôle usé par trop de mécanique, réanimant littéralement le personnage, l’autre tout aussi remarquable de justesse et de clarté. Le Gérald de Gregory Kunde, desservi par un timbre plus voilé que de coutume, montre trop d’affectation pour vraiment séduire. En Nilankhanta, José van Dam ne démérite pas mais peut-être souffre-t-il de la comparaison avec Gabriel Bacquier, d’un fanatisme autrement sauvage dans l’enregistrement réalisé par Decca en 1967. (Christophe Rizoud)

Georges Enesco : Œdipe – José van Dam (Œdipe), Gabriel Bacquier (Tirésias), Nicolaï Gedda (le Berger), Brigitte Fassbaender (Jocaste) – Orfeon Donostiara, Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, dir. Lawrence Foster (EMI)

En 1989, José van Dam enregistre pour EMI le rôle titre d’Œdipe, la tragédie lyrique de Georges Enescu créée à Paris en 1936. Le rôle est écrasant par sa longueur et par l’engagement qu’il demande, non tant à cause de l’écriture (même si elle pousse le baryton à ses limites au troisième acte) qu’à cause de la dimension mythique du personnage. José van Dam y démontre de façon éblouissante sa capacité à en comprendre et à en transmettre les moindres nuances. Désarroi et souffrance nés d’une médisance et nourris par une prédiction, fierté révoltée par l’injustice divine qui le pousse à l’exil, exaspération brutale, ces sentiments ont la densité et l’ardeur du jeune homme qu’il interprète. Devenu roi de Thèbes, c’est d’abord la noblesse du statut, l’autorité du responsable, auxquelles succède la véhémence de l’accusé et le désespoir surgi du dévoilement. Le dernier acte le trouve apaisé, sa fierté retrouvée et enfin serein et solennel. Est-il besoin de le dire, cette incarnation saisissante repose sur la fermeté des accents et la netteté de l’articulation proprement exemplaires. [MS]

Charles Gounod : Faust – Richard Leech (Faust), Cheryl Studer (Marguerite), José van Dam (Méphistophélès), Thomas Hampson (Valentin), Martine Mahé (Siebel), Nadine Denize (Dame Marthe) – Orchestre National du Capitole de Toulouse, dir. Michel Plasson (EMI)

Dès sa parution, cette intégrale s’est hissée au sommet de la discographie aux côtés de la version d’André Cluytens et constitue désormais la référence moderne de l’œuvre. Cette réussite est due avant tout à Michel Plasson qui avait déjà Faust à son répertoire depuis une vingtaine d’années, à l’époque de l’enregistrement. Sa direction, extrêmement fouillée, redonne à cette partition ses lettres de noblesse en la débarrassant du pompiérisme dont elle a été trop souvent affublée. Le chef français est même parvenu à conférer une solide homogénéité à une équipe de chanteurs hétéroclite dont certains n’avaient jamais abordé l’ouvrage à la scène. Cheryl Studer et Richard Leech sont captés au bon moment, avant que la fréquentation de rôles trop lourds n’affecte leur instrument. Nous les entendons ici dans la plénitude de leurs moyens. Elle, parvient à donner de Marguerite l’image d’une jeune fille pudique et réservée, mais également volontaire, échappant ainsi au stéréotype de l’oie blanche conventionnelle. Leech, de son côté, campe un Faust à la voix solaire et juvénile, tirant son personnage vers le héros romantique victime de son destin. Après tant de basses russes qui ont noirci le rôle jusqu’à l’excès, le Méphisto de José van Dam, doté d’une diction superlative et d’un timbre somptueux, est un pur régal. Comme avant lui Roger Soyer, van Dam campe un démon d’une rare élégance, tour à tour charmeur et inquiétant, sans jamais grossir exagérément le trait. A cet égard, la sérénade du quatrième acte (« Vous qui faites l’endormie ») est un modèle de raffinement vocal et d’intelligence théâtrale, l’une des meilleures jamais enregistrées sans doute. Le Valentin de Thomas Hampson est un luxe. La voix est presque trop séduisante pour ce personnage tout d’une pièce à la mentalité étriquée. Martine Mahé, Nadine Denize et Marc Barrard sont tous trois parfaits dans leur emploi respectif. Ajoutons pour finir que l’ouvrage est gravé dans son intégralité avec notamment la scène de la chambre, souvent coupée, au début du quatre qui comporte un air superbe de Marguerite suivie d’un duo avec Siebel. [CP]

Charles Gounod : Mireille – Mirella Freni (Mireille), Alain Vanzo (Vincent), Jane Rhodes (Taven), Gabriel Bacquier (Ramon), José Van Dam (Ourrias), Christine Barbaux (Vincenette) – Orchestre National du Capitole de Toulouse, dir. Michel Plasson (EMI)

Déjà en 1980, bien avant la venue de Nicolas Joel à l’Opéra de Paris, Michel Plasson à la tête de l’Orchestre National du Capitole de Toulouse, remettait – et comment ! – Mireille au goût du jour. A chacun sa « Belle sans pareille », il n’est pas certain que Mirella Freni soit la nôtre. Alain Vanzo au contraire nous semble idéal dans le rôle de Vincent. Plus que des couplets bien envoyés (« Si les filles d’Arles sont reines »), la présence de José van Dam en Ourrias nous vaut une scène du Val d’enfer sidérante qui réhabilite à elle seule le chef d’œuvre de Gounod. 

Jules Massenet : Hérodiade – Cheryl Studer (Salomé), Nadine Denize (Herodiade), Ben Heppner (Jean), Thomas Hampson (Hérode), José van Dam (Phanuel) – Orchestre du Capitole de Toulouse, dir. Michel Plasson (EMI)

Quand, en 1995, il enregistre Hérodiade de Jules Massenet, Michel Plasson fait d’une pierre deux coups : il ressuscite une partition que la Salomé de Strauss avait reléguée aux oubliettes et signe en même temps une version d’anthologie. Il faut des chanteurs surdimensionnés pour rendre justice à un ouvrage taillé à la mesure d’un grand opéra à la française. La distribution réunie ici est majuscule même si l’on peut trouver à redire sur l’interprétation de chacun pris séparément. Exception faite du Phanuel de José van Dam qui n’appelle aucun reproche. Dès sa première intervention (« Encore une dispute ! »), le devin se dresse immense. « Dors, ô cité perverse », son grand air du 3e acte, justifie à lui seul l’achat du coffret.

Jules Massenet : Don Quichotte – José van Dam (Don Quichotte), Tereza Berganza (Dulcinée), Alain Fondary (Sancho Pança), Isabelle Vernet (Pedro), Marie-Ange Todorovitch (Garcias) – Orchestre National du Capitole de Toulouse, dir. Michel Plasson (EMI)

L’intérêt de ce Don Quichotte enregistré en 1993 – et récemment réédité à prix économique – réside principalement dans la qualité de son interprétation. José van Dam, dans le rôle titre, livre une prestation plus qu’honorable. Bien qu’il semble manquer, çà et là, d’un peu de puissance (« Regarde !… Quoi ? Quoi ? »acte 2), il se montre particulièrement inspiré dans les pages les plus méditatives et lyriques de ce rôle crée par Chaliapine (dans « Elle m’aime et va me revenir » de l’acte I par exemple). Il prouve, dans chaque inflexion et chaque respiration, qu’il est un des meilleurs phraseur de la langue française que le chant moderne ait connu. Le Sancho Pança d’Alain Fondary lui tient la dragée haute et Teresa Berganza sauve le rôle de Dulcinée de la banalité et de la vulgarité en dosant parfaitement les imitations de l’exotisme espagnol tentées par Massenet. Michel Plasson dirige ses troupes avec panache, faisant l’impossible pour dissimuler les imperfections de la partition. [ND] 

Olivier Messiaen : Saint François d’Assise – José van Dam (Saint François), Dawn Upshaw (L’ange), Chris Merrit (le Lépreux), Tom Krause (Frère Bernard), Hallé Orchestra, dir. Kent Nagano (Deutsche Grammophon)

Avec Saint François d’Assise, on touche au saint des saints. Olivier Messiaen était au départ réticent à l’idée de composer un opéra. Le rôle titre, écrit à l’origine pour Roger Soyer, échoua finalement à José van Dam qui le créa à Paris le 28 novembre 1983 avec le succès que l’on sait. L’œuvre est depuis entrée au répertoire. Seize après la création, en 1999, Deutsche Grammophon l’inscrit à son catalogue (il n’existait alors qu’un enregistrement public des représentations des 6 et 9 décembre 1983). Kent Nagano use de la profusion des sonorités comme un peintre des couleurs de l’arc-en-ciel tandis que l’interprétation de José van Dam n’est pas seulement historique ; d’une intériorité lumineuse, elle s’affirme souveraine. (CR)

Jacques Offenbach : Les contes d’Hoffmann – Neil Shicoff (Hoffmann), Ann Murray (Nicklausse/La Muse), Luciana Serra (Olympia), Rosalind Plowright (Antonia), Jessye Norman (Giuletta), José van Dam (Lindorf/Coppélius/Miracle/Dapertutto) – Orchestre Symphonique de l’Opéra National du Théâtre Royal de La Monnaie, Bruxelles, dir. Sylvain Cambreling (EMI)

Cette intégrale, qui s’appuie sur l’édition publiée par le musicologue allemand Fritz Œser, a fait grand bruit à sa sortie : elle a permis en effet de découvrir des pans entiers de l’œuvre, inconnus jusque là, dont certains font désormais partie intégrante des versions représentées aujourd’hui, principalement l’indispensable apothéose finale, « Des cendres de ton cœur ». L’éditeur a eu en outre la bonne idée d’enregistrer en appendice trois morceaux, écartés par Œser, auxquels le public est attaché, en particulier le fameux « Scintille diamant ». C’est un plateau de stars qui a été convoqué pour l’occasion, au sein duquel figurent d’éminents spécialistes de l’œuvre. La distribution féminine, un rien hétéroclite, appelle néanmoins quelques réserves. Ni Rosalind Plowright ni Jessye Norman n’ont interprété leurs personnages à la scène. La première peine à incarner une Antonia crédible : son timbre à l’aigu éraillé n’évoque en rien une jeune fille, même souffrante. Plus convaincante est la Giulietta de Norman, dont la pâte vocale est somptueuse et les intentions louables, mais pourquoi tant de minauderies superflue ? Luciana Serra, en revanche, ne démérite pas. Familière du rôle, son Olympia s’inscrit dans une tradition de bon aloi. Ann Murray enfin est un splendide Nicklausse , au timbre racé. Cette chanteuse campe son double personnage avec intelligence et raffinement : c’est d’autant mieux venu que le rôle est infiniment plus important que dans la version traditionnelle. Ce sont toutefois les hommes qui constituent l’intérêt majeur de cette intégrale. Neil Shicoff grave Hoffmann au bon moment : riche d’une expérience scénique de quelques années et au sommet de ses moyens, il dessine un poète écorché vif, impuissant à lutter contre un destin contraire, une sorte de loser pathétique et attendrissant. Face à lui, José van Dam domine aisément le plateau : tour à tour caustique et inquiétant, sa caractérisation subtilement dosée des quatre méchants demeure une référence absolue et justifierait à elle seule l’acquisition de ce coffret. On ne sait qu’admirer le plus : l’élégance suprême de la ligne de chant, le timbre à son zénith, la diction superlative. Les seconds rôles sont tenus avec probité, notamment les quatre valets habilement défendus par Robert Tear. On cherchera en vain une idée directrice dans la direction clinquante et sans réelle profondeur de Sylvain Cambreling qui adopte des tempi pour le moins déroutants ; si le trio final d’Antonia est mené avec un train d’enfer fort à propos, que de ralentissements incompréhensibles par ailleurs : la chanson de Kleinzach, poussive, en fait les frais. Dommage. [CP]

Jacques Offenbach : Les contes d’Hoffmann – Roberto Alagna (Hoffmann), José van Dam (Coppélius, Dapertutto, Miracle, Lindorf), Natalie Dessay (Olympia), Sumi Jo (Giulietta), Leontina Vaduva (Antonia), Juanita Lascarro (Stella), Catherine Dubosc (Nicklausse/la Muse), Doris Lamprecht (la Mère), Gabriel Bacquier (Crespel), Michel Sénéchal (Spalanzani), Ludovic Tezier (Schlemil), Gilles Ragon (Andrès, Cochenille, Pitichinaccio, Frantz), Benoit Boutet (Nathanaël), Gérard Théruel (Hermann), Luther (Jean-Marie Frémeau). Chœurs et Orchestre de l’Opéra National de Lyon, dir. Kent Nagano (Erato)

Cet enregistrement, le dernier en date, s’appuie sur l’édition définitive du musicologue Michael Kaye et comporte les récitatifs composés par Guiraud en lieu et place des dialogues parlés. La distribution, majoritairement francophone est un régal pour les oreilles. Les seconds rôles, campés avec fantaisie et humour méritent tous d’être cités : Michel Sénéchal est un Spalanzani truculent, Gilles Ragon donne des quatre valets une caractérisation savoureuse, Bacquier est comme toujours le grand diseur que l’on sait et Ludovic Tézier est un Schlemil de luxe. Le double rôle de la muse/Nicklausse est confié comme à la création à un soprano léger. Cette option peut déconcerter l’auditeur accoutumé à entendre ici un mezzo, Cela dit, le timbre frais et l’espièglerie de Catherine Dubosc sont parfaitement en situation et emportent somme toute l’adhésion. Natalie Dessay a chanté Olympia sur toutes les grandes scènes et dans les conceptions les plus ahurissantes. Il est heureux que ces disques fixent pour la postérité une incarnation désormais anthologique. La voix est ici à son zénith, et virevolte sans peine jusqu’au contre-sol. Antonia trouve en Leontina Vaduva, une interprète admirable de pudeur et de sensibilité. Sumi Jo, qui orne à l’extrême son air « L’amour lui dit : la belle » ,campe une courtisane inhabituelle et s’en tire plus qu’honorablement. José van Dam réitère le miracle de son interprétation des quatre méchants chez Cambreling, huit ans plus tôt, et va même plus loin dans leur caractérisation. Le timbre n’a rien perdu de son mordant, seul le haut medium, un rien blanchi, trahit le passage des ans. On attendait Roberto Alagna dans le rôle-titre et l’on n’est pas déçu : incandescent, juvénile, sincère, son Hoffmann est tellement juste qu’on a peine à croire qu’il aborde ici le rôle sans expérience scénique préalable. Et quelle santé vocale ! Quel timbre éclatant ! Sans parler de sa diction désormais légendaire. Toute l’équipe est dirigée de main de maître par un Nagano enfiévré qui a parfaitement saisi l’essence de cette musique. Les tempi sont toujours pertinents et la conception d’ensemble réunit dans un équilibre évident les affects si contrastés que comporte la partition. Une très grande réussite ! [CP]

Jacques Offenbach : Les Contes d’Hoffmann – Placido Domingo (Hoffmann), Catherine Malfitano (Olympia/ Antonia/Giulietta/Stella), Ann Murray (La Muse/Nicklausse), José van Dam (Lindorf/Coppélius/Miracle/Dapertutto), Rémy Corazza (Andrès/Cochenille/Frantz/Pitichinaccio), Joclyne Taillon (La mère d’Antonia), Gérard Friedmann (Nathanaël/Spalanzani), Peter Weber (Hermann/Schlémil), Kurt Rydl (Luther/Crepel). Konzertvereinigung Wiener Staatsoperchor, Wiener Philharmoniker, dir. James Levine, enregistré au Festival de Salzbourg le 6 août 1981 (Orpheo)

Capté sur le vif à Salzbourg en 1981, cet enregistrement, paru en 2009 chez Orpheo, mérite une place de choix dans la discographie des Contes d’Hoffmann. En effet, Le Festival célébrait alors le centenaire de l’ouvrage dans une production fastueuse, signée Jean-Pierre Ponnelle, qui fit grand bruit à l’époque. La version choisie, qui s’appuyait en partie sur l’édition publiée cinq ans plus tôt par le musicologue Fritz Oeser, permettait d’entendre des pages inconnues jusque là du grand public et rétablissait l’ordre des actes originel. Comme à la création, les personnages féminins étaient confiés à la même cantatrice et la même basse incarnait les quatre méchants. A la tête d’une distribution de luxe, James Levine adopte des tempi alertes avec un sens aigu du théâtre. Sa direction, flamboyante et contrastée, est de tout premier ordre. En très grande forme vocale, Placido Domingo, comme toujours plus investi à la scène qu’au studio, campe un Hoffmann enfiévré et livre ici son interpétation la plus aboutie, sans doute, du personnage, avec une prononciation du français en net progrés par rapport à sa première intégrale discographique. Capté lui aussi à l’apogée de ses moyens, José van Dam incarne avec jubilation les quatre méchants sans jamais sombrer dans l’outrance ou l’effet facile. Tour a tour hautain ou sarcastique, menaçant ou séducteur, il offre un portrait subtil et tout en nuances de ces créatures diaboliques, servi par une diction superlative et une ligne de chant d’une grande élégance. Son « Scintille diamant », longuement applaudi, est un sommet. Catherine Malfitano réussit presque un sans faute dans sa triple incarnation. Certes, son Olympia est abordée avec une certaine prudence mais son Antonia hallucinée et sa Giulietta sensuelle et pefide emportent pleinement l’adhésion. Ann Murray est une Muse hiératique et un Nicklausse ambigu à souhait. Cette fine mozartienne campe son double personnage avec intelligence et raffinement. Elle donne des trois airs inédits qui lui échoient une interprétation de référence. Tous excellents, les second rôles, majoritairement francophones, contribuent largement à la réussite de l’entreprise. Une version hautement recommandable. [CP]

Richard Strauss : Salomé – Hildegard Behrens (Salomé), José van Dam (Jochanaan), Karl Walter Böhm (Hérode), Agnès Baltsa (Herodiade), Wiecslaw Ochman (Narraboth) – Orchestre Philharmonique de Vienne, dir. Herbert Von Karajan (EMI)

Un enregistrement de légende ! Après avoir longtemps cherché sa Salomé idéale, Karajan confie le rôle à Hildegard Behrens, une soprano qui peut enfin donner à la princesse le côté femme-enfant que les poids lourds du chant wagnérien étaient jusque-là incapables de lui conférer. Et la capricieuse adolescente de se heurter au Jochanaan le plus intense de la discographie. Van Dam, au sommet de son art, est un prophète des plus nobles qui, sans emphase et surtout sans brutalité, donne le change à Behrens comme rarement on l’a entendu. Les nuances que ces deux tragédiens hors pair confèrent au drame ne laissent aucun répit à l’auditeur, également hypnotisé par la direction d’un Karajan subtil comme jamais. Grande distinction également pour Karl Walter Böhm (Hérode) et Agnès Baltsa (Hérodiade). Une version sulfureuse à souhait. Le must. [ND]

Richard Strauss : La femme sans ombre – Placido Domingo (l’Empereur), Julia Varady (l’Impératrice), Hildegard Behrens (la femme), José van Dam (Barak), Reinhild Runkel (la Nourrice) – Orchestre Philharmonique de Vienne, dir. Georg Solti (Decca)

En 1991, Georg Solti crée l’événement en publiant le premier enregistrement intégral (étalé sur 3 ans !) de Die Frau ohne Schatten, le difficile chef d’œuvre de Richard Strauss. Pour l’occasion, le chef hongrois réunit autour de lui une distribution prestigieuse. Placido Domingo est un Empereur à la plastique séduisante mais dont la prononciation allemande laisse parfois à désirer, l’Impératrice est campée par une Julia Varady plus « phonogénique » qu’à l’accoutumée, Reinhild Runkel est un Nourrice passionnante et, une douzaine d’années après Salomé, le couple straussien van Dam-Behrens se reforme pour incarner le teinturier Barak et sa terrible épouse. Quoi qu’elle commette quelques écarts de justesse, Behrens, dominatrice, noue le drame du Barak soumis, frustré et introverti qu’est van Dam, parfaitement en accord avec la psychologie d’un personnage qu’il incarnait encore à merveille sur la scène du Théâtre Royal de la Monnaie en juin 2005. Georg Solti « accompagne » le tout en variant formidablement les éclairages, menant un Philharmonique de Vienne chauffé à blanc de la violence sans concession au lyrisme le plus délicat. Gageons que cette version indispensable sera un jour disponible à prix doux. [ND]

Giuseppe Verdi : Don Carlos (version de Paris 1867) – Roberto Alagna (Don Carlos), Karita Mattila (Elisabeth de Valois), Thomas Hampson (Rodrigue, Marquis de Posa), José van Dam (Philippe II), Waltraud Meier (La Princesse Eboli) – Orchestre de Paris, dir. Antonio Pappano (EMI)

Il n’est pas sûr que le répertoire italien, fût-il chanté en français, soit celui qui convienne le mieux à la vocalité et au tempérament de José van Dam. Ainsi, force est de reconnaître que son Philippe II empreint de lassitude ne peut rivaliser, même chanté en français, avec celui que ses confrères transalpins habillent d’une étoffe plus somptueuse. La version de Paris, restituée dans son intégralité ou presque (avec « Qui me rendra ce mort », le finale du quatrième acte, repris dans le « Lacrimosa » du Requiem) et la présence idéale de Roberto Alagna rendent toutefois cet enregistrement indispensable. (CR)

Giuseppe Verdi : Simon Boccanegra – Piero Cappuccilli (Simon Boccanegra), Mirella Freni (Maria Boccanegra), Nicolai Ghiaurov (Jacopo Fiesco), José Carreras (Gabriele Adorno), José van Dam (Paolo Albiani) – Orchestra del Teatro alla Scala, dir. Claudio Abbado (Deutsche Grammophon)

« Attention chef d’œuvre », proclame-t-on depuis la parution de ce coffret en 1976, six ans après la révélation scaligère de Strehler. Et il faut bien reconnaître qu’il s’agit dans l’ensemble d’un enregistrement au sommet, que l’on apprécie ou non individuellement chacun des artistes présents. La direction de Claudio Abbado, tout en cimentant l’interprétation, donne un relief stupéfiant à cet opéra méconnu de Giuseppe Verdi. Des trois rôles graves de l’ouvrage, qu’il a d’ailleurs tous chantés, c’est évidemment le moins démonstratif, Paolo, qui convient le mieux à José van Dam. La rage sourde avec laquelle il profère, malgré lui, la malédiction à son encontre est un grand moment de chant et de théâtre. (CR)

Richard Wagner : Parsifal – José van Dam (Amfortas), Kurt Moll (Gurnemanz), Peter Hofmann (Parsifal), Dunja Vejzovic (Kundry) – Orchestre Philharmonique de Vienne, dir. Herbert Von Karajan (Deutsche Grammophon)

Parsifal enregistré par Herbert Von Karajan et l’Orchestre Philharmonique de Vienne un an après leur Pelléas et Mélisande souffre des mêmes défauts – ou qualités, c’est selon –, à savoir la primauté donnée au son et le refus d’une certaine théâtralité. La plupart des voix s’y montrent à la peine. Peter Hofmann et Dunja Vejzovic surtout n’ont pas l’envergure de leur rôle. Dans ces conditions, José van Dam en Amfortas prend la pose sans vraiment convaincre. Pour inconditionnels seulement. (CR)

Discographie sélective proposée par
Nicolas Derny (CR), Christian Peter (CP), Christophe Rizoud (CR), Maurice Salles (MS)

 

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